Les mémoires de Jacques Chirac ne devaient sortir que jeudi 5 novembre, mais les bonnes feuilles circulent déjà. Elles devaient paraître en exclusivité dans Le Point; les éditions du Nil, qui publient le livre, avaient rôdé leur communication : «Aucun journaliste n'a encore lu le livre. Nous ne l'enverrons aux rédactions que la veille de sa parution, c'est-à-dire mercredi.» Mais lundi, l'Edition Spéciale de Canal+ a consacré une vingtaine de minutes à l'ouvrage, que le présentateur, Bruce Toussaint, avait pu se procurer dans une librairie de l'ouest de la France, qui n'avait manifestement pas respecté l'embargo. La maison d'édition est embarrassée : les passages les plus croustillants sont désormais connus. Ce livre est un événement parce que Jacques Chirac ne s'est jamais vraiment livré, explique Toussaint. Deux ans et demi après son départ, le premier tome de ses mémoires sort donc, fruit de 66 heures d'entretiens avec l'historien Jean-Luc Barré. Chirac raconte comment à 16 ans, il songe à se convertir à l'hindouisme, et devient marin à 18. Il fait le récit de son dépucelage, dans les quartiers de la Casbah. En politique, il est tenté par la gauche, et parrainé à droite par George Pompidou, son «modèle». Quelques anecdotes confinent au polar selon Canal+ : 1968, Chirac part négocier avec la CGT, muni d'un revolver, «inquiet d'un possible enlèvement». L'auteur raconte aussi ses dissensions avec Valéry Giscard d'Estaing qu'il n'épargne pas : «J'ai très vite compris que dans son échelle des valeurs, il y avait lui-même, tout en haut, puis plus rien, et enfin moi, très en-dessous», écrit-il. Balladur est décrit comme un «calculateur froid»; le talent de communiquant de Mitterrand est en revanche salué. Les années de présidence de Chirac, et celles de son prédécesseur, Nicolas Sarkozy, qui fut son fils en politique avant d'être son rival, devraient apparaître dans le deuxième tome de ses mémoires, à paraître aujourd'hui.