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Médecins de toutes les urgences
24 heures avec le SAMU 16
Publié dans Le Temps d'Algérie le 26 - 01 - 2010

Combien de vies sauvées grâce au SAMU ? Des centaines, voire des milliers. A-t-on un jour vu ou entendu parler de reconnaissance à ces équipes ? Jamais ou si peu, et c'est ce qui déplaît aux médecins, infirmiers et ambulanciers du SAMU qui considèrent cette attitude comme de l'ingratitude. Nous avons vécu, 24 heures durant, aux côtés de ces hommes et femmes au courage et à l'abnégation sans pareils.
Le SAMU a été créé en juillet 1994. Depuis, ce service, actuellement géré par le Dr Fellouh, a fait preuve de beaucoup de courage en affrontant, durant les années du terrorisme, les pires dangers. Les secouristes du Samu, qu'ils soient médecins, infirmiers ou ambulanciers, ont été présents partout, notamment lors du carnage de Bentalha et Raïs, les inondations de Bab El Oued, le séisme de Boumerdès et tant d'autres catastrophes humaines. Un médecin du SAMU nous a révélé qu'il a fait partie des personnels de secours ayant intervenu à Bentalha. «Nous étions les premiers à intervenir dans cette localité martyre. J'avais 26 ans à l'époque et je suis toujours là, au SAMU». Ce dévouement, ce sacrifice et cette abnégation sont partagés à ce jour par tous les éléments du SAMU 16.
Nous avons vécu 24 heures avec l'équipe du SAMU 16 de l'unité de l'hôpital Mustapha Bacha. Après avoir pris connaissance d'abord du travail qui se fait à l'intérieur du siège, qui consiste à réguler les appels et mobiliser les équipes en fonction du lieu de l'urgence et de la disponibilité, nous avons décidé d'accompagner les éléments de l'équipe dans toutes leurs interventions.
Nous sommes lundi 25 janvier 2010. Il est 10h. Nous sommes pris en charge par le Dr Fadhli qui revient tout juste d'un stage auprès du SAMU de Paris. Le Dr Abad, Nadia l'assistante et les autres membres de l'équipe sont aux aguets. A l'affût du moindre signal de l'unique ligne téléphonique dont dispose l'unité. «Il nous faut encore deux ou trois autres lignes pour prendre tous les appels et communiquer avec les autres unités d'Alger», explique le Dr Abad.
Au moment où toute l'équipe s'est donné un peu de repos, le téléphone sonne : une mission à l'intérieur de l'hôpital Mustapha. Il faut transporter un malade du service des urgences pour un scanner. Mission banale qui aura quand même duré une heure. A peine revenue au siège de l'unité, l'équipe s'embarque dans l'ambulance pour venir en aide à une femme de 79 ans en détresse respiratoire. Direction 6e Groupe, place du 1er Mai. Le gyrophare est actionné. Au bout de quelques minutes, nous parvenons au domicile de la vieille dame. Son appartement est situé au 10e étage et il n'y a pas d'ascenseur. L'exercice est fatigant car l'équipe doit aussi transporter les valises de soins de première urgence, très lourdes à porter.
Des malades reconnaissants
Mouloud, l'ambulancier-secouriste, oui secouriste, puisqu'au SAMU, tout le monde met la main à la pâte, n'est pas uniquement chauffeur, mais aussi aide-soignant. Dès l'arrivée, l'infirmier prend la température du malade et le médecin enregistre les renseignements donnés par la famille du patient. Une auscultation est de mise avant une quelconque thérapie. Une demi-heure passée au chevet de la vieille dame et le sourire revient sur les lèvres. «Rien d'inquiétant», lance le Dr Ménar au chef de famille. Avant de quitter le domicile, nous avons été conviés à prendre un café en guise de remerciements. «Ce qui nous encourage à continuer et à nous donner à fond dans toutes nos missions, c'est la gentillesse et l'hospitalité des gens, mais surtout la baraka des malades», souligne le médecin.
L'abus des gens !
La mission terminée, nous reprenons le chemin vers l'unité. Il est 17h30. Dans une demi-heure, l'équipe de nuit prendra le relais. A peine arrivée, l'équipe de nuit est sollicitée. «Un cas de détresse respiratoire est signalé vers Hydra», fait savoir le médecin régulateur. Deux minutes ont suffi pour prendre la route après avoir enregistré l'adresse du patient. Arrivé sur les lieux, le médecin nous avoue que «c'est un cas que nous connaissons bien, c'est un habitué, un vieux en fin de vie». Son fils nous accueille et nous conduit vers son père «agonisant». Le malade est âgé de 96 ans, allongé dans un lit et soutenu par sa fille qui l'aidait à respirer. Le médecin prend le soin de l'ausculter. Le patient se porte bien, une tension artérielle très bonne, la glycémie régulée… mais le malade, dit sa famille, refuse de s'alimenter. «C'est abuser de notre patience. Nous ne sommes pas contre un apport psychologique aux malades mais il faut se dire que, peut-être, un autre cas grave nécessite en urgence notre intervention», commente le médecin.
La perte du malade, un coup dur
L'équipe retourne à l'unité pour se restaurer et reprendre son souffle dans un appartement aménagé pour les équipes du SAMU. Trois chambres, une pharmacie, une cuisine et des sanitaires. Voilà le logis du SAMU qui permet un petit repos à l'équipe. A 1h du matin, le téléphone sonne : une vieille femme gravement malade, en perte de connaissance et en détresse respiratoire. La patiente souffre d'un cancer des poumons. Aussitôt alertée, l'équipe se met en route. L'intervention de l'équipe s'est avérée très difficile dès les premiers instants : la vieille femme est inconsciente, le médecin tente tant bien que mal de la réanimer avec l'aide de l'infirmière et de l'ambulancier en usant du massage cardiaque, mais rien n'y fait. Le médecin a pourtant dégagé les voix respiratoires afin de permettre une meilleure oxygénation, mais toujours rien. En dernier recours, une forte dose d'adrénaline est injectée, mais c'est déjà trop tard. La patiente est décédée. Le plus dur reste à faire : annoncer la mauvaise nouvelle à ses proches qui attendaient dans une pièce à côté. Nous appelons son fils ainé pour lui annoncer la tragique nouvelle tout en essayant de calmer les femmes qui pleuraient déjà leur mère. D'un geste de la tête de la part du médecin, le fils comprend. «El baraka fikoum», lance le médecin. L'équipe a pris le soin de nettoyer les lieux et de couvrir la défunte. L'équipe est déçue. «Il est toujours difficile de perdre un malade, quels que soient son âge et son état de santé, mais la famille attend quelque chose de nous, ils voient en nous l'espoir», déclare Mouloud, l'ambulancier.
Il reste encore d'autres vies à sauver
De retour à l'unité, un silence religieux régnait à l'intérieur de l'ambulance. Mais ce n'est qu'un mauvais souvenir et ce n'est que partie remise car d'autres vies attendent et sollicitent le SAMU pour son aide précieuse. Sept heures du matin, un appel provenant d'El Madania annonce qu'une femme a perdu connaissance dans son appartement. Les rues d'Alger grouillent déjà de monde, la circulation est tellement difficile que l'ambulance peine souvent à se frayer un chemin. La patiente a eu un malaise dû à une hypoglycémie, elle présente des symptômes jugés graves par le médecin qui a réussi toutefois à la stabiliser avant de décider de son transfert à bord de l'ambulance vers l'hôpital Mustapha pour une éventuelle hospitalisation. Mission accomplie avec brio. Comme à l'accoutumée.
Des équipes qui méritent vraiment mieux
Le SAMU 16 est l'un des meilleurs services d'urgence à travers le monde, reconnaissent les pionniers du domaine, en l'occurrence le SAMU de Paris qui a tenté à maintes reprises de séduire nos médecins, infirmiers et surtout ambulanciers en leur offrant des conditions et des salaires très attractifs.
Pourtant, le SAMU 16 souffre d'un manque de moyens, de personnel, mais il assure et assume ses tâches dans toutes les conditions et arrive souvent à réaliser des exploits. Le personnel du SAMU mérite un réel encouragement qui consiste surtout à lui offrir plus de moyens et, surtout, un statut particulier et une rémunération à la hauteur des missions très difficiles qu'il assure.
Pour rappel, les médecins du SAMU perçoivent le même salaire que leurs confrères exerçant dans les autres services, ce qui est injuste à leurs yeux. «Nous demandons juste un peu plus de considération et des moyens plus importants car nous sommes les premiers à intervenir. Nous pouvons sauver davantage de vies avec plus de moyens. Nous sommes partout, durant les campagnes du Hadj, les matches de football, les catastrophes, et j'en passe...» explique le Dr Mohamed. Son autre souhait : «Que les hôpitaux acceptent les malades qu'on transporte, car dans la plupart des cas, les services des urgences des hôpitaux nous rendent la tâche difficile».


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