La Maison-Blanche a annoncé en début de semaine une coupe de 50% dans l'agenda diplomatique du président Barack Obama. Une mesure qui signifie concrètement que le chef de la Maison-Blanche se rendra beaucoup moins souvent que prévu à l'étranger puisqu'il a annulé la plupart de ses rendez-vous pour 2010 «afin de mieux se consacrer aux problèmes internes des Etats-Unis». Il ne sera pas présent, le 24 mai, au sommet entre l'Union européenne et les Etats-Unis. La présidence espagnole, qui a préparé ce sommet avec l'intérêt accordé aux événements diplomatique de premier plan, fait des gorges chaudes. Le faux bond d'Obama à l'Europe Le faux bond d'Obama à l'Union européenne, officiellement pour «raison d'agenda» du président américain, est en fait la conséquence d'un choix stratégique de la nouvelle politique américaine qui se veut désormais plus orientée vers les grands pays émergents, la Chine, le Brésil... que vers la vieille Europe. C'est évident, l'économie et le social ont pris le dessus à la Maison-Blanche sur les aspects politiques. Le président Obama, on le sait, mène une guerre implacable pour faire passer son projet, vital pour la suite de sa carrière, sur la réforme de la sécurité sociale. Un pari moins évident que jamais depuis que le Parti démocrate a perdu le mois dernier la majorité au Sénat. Obama mène en parallèle une guerre aux banques, à la crise économique aux Etats-Unis. Au plan extérieur, son objectif est de cesser de faire la guerre en Afghanistan, une opération dont le coût financier se chiffre en dizaines de milliards de dollars. Tout le reste des conflits dans lesquels les Etats-Unis sont plus ou moins directement impliqués, en Irak et au Proche-Orient, passent du coup au second plan de ses préoccupations. L'Union européenne, qui se veut le partenaire privilégié des Etats-Unis pour les grandes initiatives, comme le problème du Proche-Orient, où elle entend reprendre pied ferme, a bien des raisons de s'inquiéter d'un certain désengagement américain là-bas qui ne dit pas son nom. La relance du processus de paix entre les Palestiniens et les Israéliens ne figure plus parmi les grandes priorités d'Obama. L'a-t-elle d'ailleurs jamais été hors des simples intentions jamais accompagnées d'une mollesse diplomatique. Est-il donc si difficile de faire comprendre à Israël qu'il y a des limites à ne pas franchir dans le processus de colonisation de ce qui reste encore de la Palestine ? Ce petit pas, Obama ne l'a pas franchi. Il n'a pas osé le franchir. Du coup, son envoyé pour le Proche-Orient, George Mitchell, n'est plus ce diplomate de premier plan que les caméras du monde entier suivaient pas à pas dans ses tournées dans la région. Amertume de la vieille Europe Cet amer constat, la présidence espagnole de l'Union européenne, qui comptait sur les Etats-Unis pour activer la relance du processus de paix au Proche-Orient, le ministre espagnol des Affaires étrangères, Moratinos, vient de le constater à la suite de sa tournée infructueuse dans la région, la semaine passée, au nom des 27. A son retour jeudi de son énième périple qui l'a conduit à Tel-Aviv, Ramallah et Damas, le ministre espagnol des Affaires étrangères, il n'a pas donné l'impression qu'il était optimiste sur la relance du processus de paix dans la région. Après avoir eu des entretiens avec les dirigeants de cette région, il a même eu la conviction que la situation politique du Proche-Orient est «compliquée» en raison de «l'absence de progrès» dans la relance du processus de paix. L'allusion ici est claire au manque de dynamisme de la diplomatie de Barack Obama, sinon au peu de volonté politique du chef de la Maison-Blanche lui-même. Bien sûr, comme à son habitude, faisant contre mauvaise fortune bon cœur, Moratinos reste «confiant» que le processus de paix sera «relancé prochainement». Pourtant, Washington ne bouge pas et se contente de relancer Israël, non lui imposer, de reprendre le dialogue avec les Palestiniens, sans estimer nécessaire l'arrêt des implantations juives en Cisjordanie. La relance du processus de paix n'est pas à l'ordre du jour. Même le statu quo, cette situation de ni paix ni guerre, est menacé. Le ministre de la Défense israélien l'a laissé entendre, la semaine dernière, en écartant l'éventualité d'une guerre avec la Syrie, alliée de l'Iran et du Hezbollah. «Tambours de guerre ?» Abandonnée par son allié américain, l'Union européenne continue de plaider pour, comme l'a dit Moratinos à Damas, une solution au problème de la région qui passe par une paix globale qui commence et finit également, en Syrie. Optimiste ou «sourd» aux menaces israéliennes, Moratinos déclare à Damas n'avoir entendu «aucun tambour de guerre» mais avoir eu la conviction au contraire que les deux parties «se sont montrées favorables à la reprise de la médiation turque» entre la Syrie et Israël. Ce n'est pas très rassurant ni pour les Palestiniens ni pour les Syriens.De retour à Bruxelles, le représentant de l'Union européenne paraît plus soucieux. La relance du processus de paix au Proche-orient, s'il l'appelle de tous ses vœux, il la croit impossible dans les conditions actuelles marquées par le désengagement américain. La raison de son séjour au Moyen-Orient était en fait de convaincre les dirigeants de la région de participer au plus haut niveau au sommet de l'Union pour la Méditerranée, prévu le 7 juin 2010 à Barcelone. «Il ne s'agit pas d'un sommet ordinaire qui doit réunir 43 pays et il faut donc créer les conditions politiques pour avancer vers une nouvelle étape avec la partie sud de la Méditerranée», dit Moratinos. Chacun donc se bat pour les intérêts de son pays. Obama pour la stabilité économique et sociale d'abord des Etats-Unis. L'Union européenne pour ne pas se laisser doubler dans le G20 par les pays émergents, les nouveaux alliés d'Obama, et l'Espagne, pour réussir sa présidence européenne. Le Proche-Orient ? La question est renvoyée aux calendes grecques.