Nassima est née à Madrid en 1996, au plus fort de la «décennie rouge». Pour ses camarades, l'Algérie est synonyme de «guerre civile» et elle a dû vivre son enfance avec ces clichés. A 14 ans, l'été dernier, de retour de vacances à Alger où elle avait vécu l'ambiance de la grande veille de la qualification de l'Algérie en Coupe du monde, elle portait fièrement – elle arborait – le maillot de Ziani à l'aéroport Barajas. C'est sa manière de prendre sa revanche sur son enfance. Sa grande sœur Zahra, 18 ans, elle, a choisi le survêtement vert et blanc de l'équipe nationale. Elle n'a pas de préférence pour un joueur ou un autre. Tout simplement parce qu'elle les préfèrent tous. Sa vedette «c'est le onze national, dit-elle. Le vert et blanc, c'est devenu un peu la tenue de sortie, de ces sœurs qu'elles ne mettent pas seulement pour les grandes occasions depuis le fameux match de Khartoum, le 18 novembre 2009, mais souvent au lycée où leurs camarades connaissent depuis quelques noms de joueurs algériens que la presse espagnole a annoncé ici et là en Espagne. Belhadj à Barcelone, Magic à Séville, Ziani à l'Atletico ou Mansouri à Malaga. Leurs équipes préférées du championnat espagnol ce ne sont plus depuis quelque temps le Real, ni le Barça. Tant pis pour Zidane et Benzema. Pour d'évidentes raisons c'est le Racing de Santander. Qu'importe si l'équipe de Mehdi Lacen a frôlé la relégation cette année. La saison prochaine, les fans des Verts auront peut-être l'embarras du choix. Après la Coupe du monde on verra. Pour le moment, la petite communauté algérienne de Madrid se croise les doigts. Trop de mauvaises nouvelles se sont succédées depuis les deux matches de préparation face à la Serbie et l'Irlande. Notamment ces blessures en série qui ont perturbé la préparation de l'équipe et conduit Saâdane à se passer de l'indispensable Mourad Meghni. A cause de certaines rumeurs aussi. Le «cas du capitaine Mansouri». Pourtant, rien de tout cela, pas même certains commentaires de presse ne semblent pouvoir affecter un moral d'acier des ressortissants algériens. «Nous serons au second tour et ce ne sera pas par un hasard» ! dit Rafik, le seul après Saâdane et Raouraoua à pouvoir se procurer la liste des 23 en temps réel et dont il connaît le bulletin de santé et le CV dans le détail. Beaucoup de ses compatriotes se fient à ses pronostics. Le 17 novembre 2009, la veille de Khartoum, «aucun doute l'Algérie gagnera par 1 à 0», avait-il prédit. A Madrid, beaucoup ont déjà pris leurs dispositions pour suivre le match contre la Slovénie en famille, en se procurant un démo flashé depuis Oran ou Alger pour capter la chaîne terrestre nationale. D'autres ont carrément sorti leur vieux démo analogique et orienté leur parabole sur toutes les chaînes qui comme TF1 ont programmé les trois rencontres des Verts. Mais le plaisir n'est pas complet. Il manquera toujours l'ambiance du cercle des amis. Autour de Rafik. De la communauté des supporters la plus large «tous avec l'Algérie», composée d'Algériens, de Marocains, d'Arabes toutes nationalités confondues, des musulmans, des Africains. Des «contrats» sont négociés avec certains «lieux de ralliement». Le café-bar du coin pour Madrid. Ailleurs, dans le nord de l'Espagne ou à Alicante où la communauté algéro-marocaine est beaucoup plus importante, on s'est rapproché des mairies. Certains élus locaux ont généreusement mis à la disposition des résidents maghrébins de la municipalité des salles pour le visionnage sur grand écran de tous les matches de l'Algérie. Là, l'ambiance sera différente. Tous soutiendront à fond l'Algérie mais après l'Algérie, l'Espagne. Comme Nassima et Zahra. Et si par le hasard du calendrier des quarts de finale, l'Algérie était opposée à l'Espagne ? La question a été posée à Nassima par sa meilleure camarade de classe. La réponse est évidente pour Nassima : «Je te laisse le soin de deviner.»