Les Oranais ne savent plus quelle information croire et quelle autre inscrire dans le registre de la rumeur. Les échos parvenus de Johannesburg sur de prétendues blessures de Antar Yahia et Rafik Djebbour ont jeté le froid sur la ville, balayée par une brise marine fraîche. Plusieurs Oranais, jeunes et moins jeunes, que nous avons rencontrés sont unanimes à dire que l'équipe nationale est poursuivie par une malédiction appelée blessures. «Il nous faut un taleb s'hih (un bon marabout) pour éliminer ce mauvais sort qui poursuit les joueurs», diront des jeunes d'El Barki, rencontrés dans un café qui s'est équipé pour assurer à sa clientèle les retransmissions des matches de la Coupe du monde. Ces aléas ont jeté un voile de pessimisme sur les supporters oranais qui ne savent plus comment conjurer le mauvais sort qui s'abat sur les joueurs de l'équipe nationale. D'autres jeunes rencontrés à la place d'Armes, en plein centre-ville, parés aux couleurs des guerriers du Sahara, sont unanimes à dire que l'équipe nationale est la cible d'un complot. Saïd, le plus loquace, dira qu'il subodore un complot fomenté par l'Egypte, «qui n'arrive pas encore à écluser sa déception. Ils sont forts dans ce domaine, j'ai lu un livre où l'on parle de magie noire et de sorcellerie dans le delta du Nil. Ils ont jeté un sort aux coéquipiers de Ziani qui sont devenus la cible d'une cascade de blessures». Pour lui, la solution passe par une séance de désenvoûtement, rien que ça, et bonjour le grigri, comme au bon vieux temps des griots du Zaïre, lors de la Welt Meisterschaft 1974 (Coupe du monde). D'autres Oranais plus mesurés ne sont pas affectés par les informations venues d'Afrique du Sud. «L'équipe nationale aura son mot à dire. Nous avons des battants qui ont toujours montré une disponibilité dans l'effort et qui n'ont jamais raté les grands rendez-vous. On sera là ce soir pour un bon bain de minuit dans les jets d'eau de la place d'Armes, de la cité USTO et du Sheraton. Nous serons nombreux pour piquer une tête et fêter ensemble la première victoire de l'EN, diront des jeunes de la rue Khemisti. La ville parée de vert et blanc s'est installée dans une bulle pour mieux se concentrer sur la première sortie de l'équipe nationale. Une victoire la jettera dans la rue et l'enivrera jusqu'à n'en plus pouvoir. Quant à l'échec, personne n'ose en parler, même ceux qui font la moue quand on leur parle des chances de l'Algérie dans ce premier Mondial africain. Ils se contentent de dire «Maak Yal khadra», avant de poursuivre leur chemin.