A Tamanrasset, région pastorale par excellence, la viande de dromadaire frôle les 450 DA/kg, alors que le «demane», le mouton soudanais, s'écoule entre 600 et 700 DA/kg. Une situation jamais vécue dans cette ville du grand sud, qui fait craindre le pire durant le mois de Ramadhan. Conséquence du déclin de l'élevage local et de l'accroissement des besoins d'une population en constante progression – la seule ville de Tamanrasset compte près de 100 000 habitants – l'envolée des prix de la viande est, somme toute, un phénomène logique lorsqu'on sait que cette viande est importée du Niger et du Mali. Mohamed Malek Benmalek, président de la chambre d'agriculture de la wilaya de Tamanrasset, confirme que «la région dépend quasi exclusivement des élevages de ces deux pays». Mais, précise-t-il, bien que le prix des viandes rouges y est des plus bas au monde, les cours ne font qu'augmenter au niveau des marchés de la wilaya. M. Benmalek explique l'incohérence du marché par l'impossibilité, à l'heure actuelle, d'importer de la viande équarrie et débitée. «Ni le Mali ni le Niger ne disposent d'abattoirs dans les normes qui pourraient éventuellement approvisionner Tamanrasset, voire le nord du pays», fait remarquer le président de la chambre d'agriculture qui indique que «pour l'instant, seuls quelques chevillards s'adonnent au commerce de bétail vivant entre les deux pays amis et l'Algérie». Mais les quantités qu'ils ramènent sont juste suffisantes pour la ville de Tamanrasset et In Salah, ajoute-t-il en précisant que «l'Algérie autorise uniquement l'importation des dromadaires et des ovins». Pourtant, dit-il, le potentiel bovin dans ces deux pays voisins est impressionnant, et si des investisseurs s'intéressent à ce créneau, en investissant notamment dans des abattoirs conformes aux normes sanitaires, la viande bovine fraîche se vendrait au quart de son prix actuel. Bonne pour Tamanrasset, mauvaise au-delà ! M. Benmalek révèle que des centaines d'éleveurs algériens vivent depuis des décennies au nord du Niger et du Mali, et que la plupart disposent de troupeaux immenses constitués de centaines de milliers de têtes d'ovins, de camelins et de bovins. Ce sont ces derniers qui approvisionnent la wilaya de Tamanrasset. Les bêtes sont transportées depuis le Niger jusqu'à In Guezzam où elles subissent un contrôle vétérinaire avant d'être acheminées vers Tamanrasset et le reste des villes de la wilaya. De la wilaya, parce que la loi interdit la vente de ces bêtes dans le nord du pays. M. Benmalek avoue ne pas comprendre les raisons de cette décision irrationnelle. «Si cette viande n'est pas bonne pour les gens du nord, pourquoi le serait-elle pour les habitants du sud ?», s'interroge-t-il, ajoutant que si le cheptel malien ou nigérien est malade, «alors, qu'on interdise son entrée sur le territoire national car nous refusons qu'il y ait deux Algérie». M. Benmalek nous apprend, en outre, que les éleveurs algériens présents au Niger et au Mali essuient à chaque fois le refus des autorités à leurs demandes réitérées de vendre leur cheptel bovin en Algérie. «Aucune explication ne motive ce refus, les autorités persistent à croire, sans le prouver, que les troupeaux sont malades», ajoute notre interlocuteur qui trouve ridicule l'attitude des autorités. Pour Hamza Dahmane, membre de l'APW de Tamanrasset, «les régions frontalières et en particulier Tamanrasset ne peuvent se passer du Niger et du Mali pour leur approvisionnement en viandes rouges». Lui aussi affirme que «l'essentiel du cheptel détenu par les éleveurs algériens se trouve au Niger où les conditions de pâturage sont meilleures qu'au Hoggar». Toutefois, indique l'élu de l'APW, «si l'Etat n'aide pas ces gens pour écouler leur cheptel en Algérie, c'est le dépérissement certain de leur activité». Mohamed T., qui approvisionne en viande son établissement à partir du marché de Tamanrasset, reconnaît qu'il n'est pas facile d'introduire le bétail des pays limitrophes en Algérie. Il explique que «les commerçants doivent faire avec le coût élevé du transport et affronter les autres aléas, les accidents, voire les mauvaises rencontres sur la route». Membre d'une tribu influente de l'Ahaggar, T. M., qui dit avoir des parents nomades de l'autre côté de la frontière, les éleveurs algériens au Niger et au Mali vivent dans l'incertitude. «A cause de la sécheresse qui y sévit et de la dégradation des conditions sécuritaires, les prix du bétail ont chuté de manière dramatique», conclut-il.