Une aide soignante de 47 ans a été mise en examen et écrouée jeudi pour avoir tué huit de ses enfants à la naissance et enterré ou dissimulé les corps dans ses deux résidences successives du village de Villers-au-Tertre (Nord). L'affaire pourrait être le plus grave dossier d'infanticide jamais mis au jour en France après celui de Céline Lesage, reconnue coupable en mars dernier d'un sextuple homicide, et celui de Véronique Courjault, sanctionnée pour un triple crime. "Il s'agit d'une affaire hors norme compte tenu du nombre important de nouveau-nés" retrouvés, a dit le procureur de Douai, Eric Vaillant, lors d'une conférence de presse. Les enfants auraient été étouffés à la naissance par leur mère, qui a accouché seule, entre le début des années 1990 et 2006 ou 2007 après la naissance de deux filles vivantes aujourd'hui, selon la déposition de la suspecte. Niant tout "déni de grossesse", elle a reconnu avoir été consciente d'être enceinte et a expliqué aux enquêteurs qu'elle ne voulait plus d'enfants. Dominique Lempereur-Cottrez a été mise en examen et écrouée à Douai pour "homicides volontaires de mineurs de moins de quinze ans". Son mari, Pierre-Marie Cottrez, charpentier, a été entendu comme témoin assisté et laissé en liberté, contrairement aux réquisitions du parquet qui demandait sa mise en examen pour "non dénonciation de crimes et recel de cadavres". Il semble avoir découvert les crimes avec les gendarmes. "Le ciel lui est tombé sur la tête", dit Eric Vaillant. La justice poursuit les investigations pour trouver éventuellement d'autres cadavres mais Dominique Cottrez a assuré aux enquêteurs qu'il n'y avait que huit victimes. Des expertises psychologiques et psychiatriques vont être ordonnées. L'aide soignante est décrite par son voisinage comme une personne de forte corpulence, ce qui pourrait expliquer qu'elle ait pu dissimuler ses grossesses. "Elle explique que son premier accouchement s'est très mal passé à cause de sa forte corpulence, donc elle ne voulait plus voir de médecin pour une contraception", a dit le procureur. Aide soignante à domicile, Dominique Cottrez est "parfaitement insérée socialement" selon le magistrat. Elle est décrite dans le village comme timide et discrète. "On la voyait moins que lui, elle sortait peu, elle participait moins à la vie de la commune mais on ne s'est aperçu de rien", a dit aux journalistes le maire du village, Patrick Mercier. Son mari est élu au conseil municipal. L'affaire a débuté le week-end dernier lorsque les nouveaux propriétaires de l'ancienne maison du couple ont creusé un trou dans le jardin pour planter un arbre et découvert deux cadavres. Prévenue, la gendarmerie a placé en garde à vue les parents présumés, qui habitent à quelques centaines de mètres de leur ancienne résidence, mardi matin. Dominique Cottrez a reconnu les deux crimes puis fait état de quatre autres et conduit les enquêteurs aux cadavres, dissimulés dans divers endroits de sa nouvelle maison. Les experts psychiatres ont examiné dans d'autres affaires d'infanticide la possibilité d'un "déni de grossesse", affection psychologique frappant des femmes refusant d'être enceintes et qui peut déboucher sur un homicide à la naissance. Ce diagnostic a le plus souvent été écarté et la responsabilité pénale des suspectes a été retenue. Une femme de 38 ans, Céline Lesage, a ainsi été condamnée en mars dans la Manche à 15 ans de réclusion criminelle pour avoir tué six de ses bébés à leur naissance entre 2000 et 2007. Dans une affaire similaire, Véronique Courjault, qui avait tué à leur naissance trois de ses enfants entre 1999 et 2003 et conservé deux corps au congélateur, a été condamnée en juin 2009 à huit ans de prison à Tours (Indre-et-Loire). Elle est sortie de prison en mai à la faveur d'une libération conditionnelle. Dans ces deux affaires, les conjoints n'ont pas été jugés car il a été établi qu'ils avaient ignoré grossesses et homicides.