Le quotidien espagnol El Mundo, qui a été le premier de ses confrères à évoquer le paiement par le gouvernement espagnol d'une rançon de 8 millions d'euros pour obtenir la libération des trois otages espagnols enlevés le 29 novembre par un groupe d'Al Qaïda pour le Maghreb islamique (Aqmi) a fait des révélations dans ses éditions de lundi et d'hier sur un marché en rapport avec cette affaire passé entre Madrid et Nouakchott. Les premiers indices de ce marché ultra confidentiel ont apparu déjà vendredi, lorsque dans son communiqué du Conseil des ministres, le gouvernement Zapatero avait annoncé avoir décidé d'offrir à la Mauritanie pour le montant symbolique de 100 euros un avion de type C-212. Le prix d'usine d'un C-212 pratiqué par le fabriquant EADS est de 10 millions d'euros. Officiellement, il s'agit d'une contribution espagnole qui s'inscrit dans le cadre «de l'accord liant l'Espagne et la Mauritanie en matière de lutte contre l'immigration illégale». Ce geste, qui en réalité vient sanctionner en récompense le rôle que Nouakchott a joué dans la libération des deux otages catalans, fait partie de tout un programme qui a été négocié entre les deux gouvernements pour obtenir «l'extradition de Omar Sahraoui» vers son pays d'origine, le Mali. Une extradition-libération en contrepartie de celle des deux otages espagnols, qui a provoqué un «scandale international», estime El Mundo, qui est revenu sur le sujet avec plus de détails. Un marché douteux Deux jours seulement après la libération, le 16 août, de Omar Sahraoui, l'ambassadeur d'Espagne à Madrid, Alonso Dezcallar, avait au cours d'une série de réunions officielles avec les membres du gouvernement mauritanien informé ses interlocuteurs de la disposition de l'Espagne de renforcer son aide économique et financière au développement de la Mauritanie. Le 18 août, le diplomate espagnol faisait cette proposition à la ministre mauritanienne des Affaires étrangères, Mme Mint Meknas, qui l'a aussitôt acceptée. L'ambassadeur Dezcallar tiendra depuis d'autres réunions plus techniques sur la matérialisation de l'aide espagnole avec le ministre mauritanien des Affaires économiques et du Développement, Sidi Uld Tah, pour explorer «les moyens de renforcer la coopération entre les deux pays pour le développement économique de la Mauritanie». Voulant exploiter au maximum le désarroi du gouvernement espagnol, Nouakchott aurait multiplié de son côté les démarches auprès de l'Espagne pour lui vendre plus de pétrole. M. Dezcallar, qui a été particulièrement actif dans le processus devant conduire à l'extradition de sahraoui, avait été reçu, le 18 juillet, par le ministre mauritanien de la Justice, Abdine Uld El Kheir, avec lequel il a été question de l'extradition de Omar Sahraoui dont le principe était acquis. Il rencontrera, en outre, le ministre des Finances, Ahymed Uld Moulaye. Fait important à souligner, ces deux réunions auraient eu lieu au lendemain de la visite de M. Moratinos dans la capitale mauritanienne où, accompagné du directeur des services secrets espagnols, le général Felix Sanz, et de l'ambassadeur Dezcallar, il plaidera auprès du président mauritanien, le général Mohamed Uld Abdelaziz, l'extradition de Omar Sahraoui pour rendre possible la libération des deux ressortissants espagnols. Moratinos persiste et signe Samedi à Madrid, au cours d'une conférence de presse conjointe avec son homologue français, Bernard Kouchner, M. Moratinos assurait que ni la France ni l'Espagne n'ont payé de rançons aux terroristes. Il s'est gardé toutefois de dire par quelle baraka de Dieu le groupe de Ben Mokhtar et de Abu Zeid ont rendu leur liberté aux trois ressortissants espagnols. C'est tout le mystère d'une diplomatie espagnole qui n'a pas un visage net dans l'affaire des otages aux mains d'Aqmi.