Pour lutter contre l'habitat précaire, un projet de construction de 234 logements sociaux locatifs a été lancé à Boumati, dans la commune d'El Harrach. Une extension au projet a été aussi retenue. A la fin, seules 180 unités ont été réalisées, le reste a été abandonné. L'affectation de ces logements est au centre d'une «pagaille», pour reprendre le terme utilisé par les habitants. Il y a peu de logements par rapport au nombre de bénéficiaires qui ont eu des décisions d'attribution et qui demandent à y résider. Pour tirer les choses au clair, les locataires demandent une enquête. Les habitants de la cité des 234 logements de Boumati, dans la commune d'El Harrach, vivent une situation des plus étranges. Plusieurs d'entre eux sont, en effet, menacés d'expulsion sur décision de justice. Des personnes faisant valoir leur qualité de locataire ont demandé au tribunal de leur reconnaître cette qualité en prononçant l'expulsion des «indus occupants». Ces derniers crient à l'arnaque. Estimant que l'attribution des logements ne s'est pas faite dans la transparence, la population du quartier demande «une enquête générale» pour «dénoncer les responsables de cette pagaille». «Les locataires souhaitent la mise sur pied d'une commission spéciale afin d'étudier la façon dont les logements ont été distribués», écrivent-ils dans une lettre rendue publique à l'intention du wali. De quoi s'agit-il ? Le quartier a été créé au début des années 1990, dans le cadre de la lutte contre l'habitat précaire. Auparavant, les autorités locales avaient pris la décision de construire le centre de transit de Boumati pour reloger provisoirement des familles issues des bidonvilles, en attendant la réalisation du projet des 234 logements sociaux locatifs. Le projet a été implanté dans les environs du centre de transit de manière à fixer les familles sur place. Les premiers logements ont été occupés sur décision de la délégation exécutive d'El Harrach (DEC), dès l'été 1994. Au lieu de construire la totalité des logements, des difficultés de suivi et d'exécution ont fait que le chantier a été limité à un maximum de 180 unités. Le reste aurait été suspendu, puis abandonné avec le temps. Il y aurait eu même une extension au projet initial qui n'a jamais abouti. Par la suite, il y a eu des squats d'appartements restés inoccupés et pas encore finis. Des familles, sans aucune autorisation des autorités, ont occupé des logements dans la cité et personne n'était venu leur demander des explications. La guerre des numéros Le laisser-aller aidant, tout semble donc ordinaire pendant des années à Boumati. Les problèmes ont toutefois commencé dans les années 2000. Des personnes, faisant valoir des décisions d'affectation délivrées à l'époque où l'APC d'El Harrach était dirigée par le FIS (parti dissous), demandent à occuper «leurs» logements. «Tout a commencé en 2002 quand les bénéficiaires ont entamé des poursuites judiciaires contre les habitants illégaux qui ont squatté leurs maisons. Plusieurs d'entre eux ont d'ailleurs récupéré leurs logements», indiquent les résidants dans leur courrier. Une fois les squatteurs expulsés, un autre problème est apparu dans la cité. «Après avoir vu que toutes les habitations existantes sur le site (180 unités) ont été livrées, un certain nombre de bénéficiaires n'ont pas pu avoir un logement. C'est à ce moment que de nouvelles poursuites judiciaires ont opposé les détenteurs d'arrêtés et les locataires qui occupent les logements», explique-t-on. Pour aggraver la situation, des squatteurs auraient pu régulariser leur situation vis-à-vis des autorités locales. Le gros problème qui s'est posé se résume au fait qu'il y a eu plus de décisions d'attribution qu'il n'y a de logements ! Les auteurs de la lettre ouverte cherchent à comprendre, par exemple, comment des personnes qui exhibent des décisions portant les numéros 281, 305, 292… (qui renvoient à des numéros d'appartement) ont pu bénéficier d'un toit dans une cité qui n'en compte que 180 au grand maximum. D'un autre côté, les concernés s'étonnent de voir des détenteurs de décisions portant les numéros 164, 159... ne pas pouvoir accéder à un logement. Une guerre de numéros, en somme. Afin de tirer les choses au clair, les habitants demandent à la wilaya d'enquêter sur la manière dont l'APC d'El Harrach a affecté ces logements tant convoités.