Les enfants savent qu'ils ont bon dos pour que leurs parents se donnent bonne conscience. Tenez, qui peut prétendre que le mouton ce n'est pas pour les «petits» ? Ce ne sont pas les arguments qui manquent pourtant pour expliquer une frénésie chaque année plus grande pour les ovins, mais le plus imparable est celui de brandir les enfants. La recommandation religieuse est depuis longtemps reléguée au rang de vieillerie pour faire place nette à l'«essentiel». On ne va quand même pas s'encombrer d'une considération qui ignore tout de ce qui fait aujourd'hui le charme de la «fête», inimaginable sans ses multiples «options». D'abord, la nature de la bête. Rien ni personne n'a consacré le mouton comme la bête exclusive du sacrifice, mais c'est le mouton qui a fini par s'imposer. Pourtant, il n'y a aucune «raison objective» à ce qu'il en soit ainsi. La viande de mouton est inexplicablement la plus chère, elle est «explicablement» la plus périlleuse pour la santé et pas vraiment l'incarnation du bon goût en matière culinaire. Ensuite, le «volume de la bête». On se saigne pour le poids du mouton et la «compétition» a atteint de telles proportions que les petites bourses n'osent plus montrer leur bête de peur de se faire «ridiculiser» devant les voisins. En la matière, les quolibets rivalisent en génie dans la formule. «Tu l'as payé combien ton lapin ?», «est-ce que tu l'as trouvé dans un paquet de lessive ?» ou encore «tu vas l'égorger avec une lame de rasoir» en sont les morceaux choisis. Enfin, la performance des «options». On y trouve d'abord le label régional. Sur la question, il n'est pas besoin d'aller très loin pour chercher le nec plus ultra : à quelques mois de l'aïd, tous les moutons sont de Djelfa et ont été nourris au chih. La région ne peut pas fournir autant de moutons à l'Algérie du sacrifice, mais devant l'impossible traçabilité de la provenance, les vendeurs ne vont pas se gêner pour se donner un moyen facile de vendre plus cher. Et ça marche à tous les coups. Puis la star des stars, les cornes. Leurs longueurs, leurs formes, leurs capacités de résistance et leurs couleurs. Tous les moutons ne vont pas aller au combat, comme toutes les voitures ne vont pas faire la course. Et une bête sans corne est au mouton ce que la R4 est à l'automobile. Les enfants ont bon dos et les parents pas forcément bonne conscience. Le mouton n'est pas bon, il est un réservoir de cholestérol, aucun texte religieux n'impose son sacrifice, mais il n'a pas besoin de tout ça pour s'imposer. Il est cher et ça lui suffit. Cet e-mail est protégé contre les robots collecteurs de mails, votre navigateur doit accepter le Javascript pour le voir