Quatre personnes au moins ont trouvé la mort jeudi à Abidjan lors d'accrochages entre les forces de sécurité fidèles au président sortant Laurent Gbagbo et des partisans d'Alassane Ouattara, reconnu sur un plan international comme président élu, ont rapporté des témoins. Coups de feu et tirs d'armes lourdes ont retenti près de l'hôtel du Golf, quartier général d'Ouattara dans la capitale économique ivoirienne, dans le cadre d'une journée où ses alliés avaient l'intention d'essayer de prendre le contrôle du bâtiment de la Radio-Télévision ivoirienne (RTI). La victoire d'Alassane Ouattara au second tour de l'élection présidentielle, le 28 novembre, est reconnue par l'Onu, les Etats-Unis, les Etats africains et la France, mais Laurent Gbagbo et le Conseil constitutionnel la contestent en faisant état d'une fraude électorale massive dans le nord du pays. Des tirs nourris d'armes automatiques et de fusil ont éclaté dans la matinée à Abidjan, où les forces de l'ordre ont aussi fait usage de gaz lacrymogènes dans les quartiers où les partisans de Ouattara se rassemblaient pour marcher sur la RTI. "J'ai vu quatre personnes tuées et de nombreux blessés. Ils ont tiré pour nous repousser quand on a essayé de descendre la rue", a déclaré un manifestant pro-Ouattara qui se dirigeait avec une foule vers le siège de la RTI avec l'intention d'en prendre le contrôle. L'organisation Amnesty International a fait état d'un bilan d'au moins neuf morts sur la base de témoignages qu'elle a recueillis par téléphone auprès de témoins directs - cinq manifestants pro-Ouattara et deux travailleurs humanitaires. Quelques manifestants arrivés à proximité du bâtiment de la radio-télévision nationale ont été arrêtés, déshabillés et frappés, a déclaré par téléphone André Kamaté, président de la Ligue ivoirienne des droits de l'homme (Lidho). Mais un proche de Laurent Gbagbo a confirmé par téléphone que l'armée s'était opposée "à ce que les rebelles marchent vers la télévision" et avait tiré à l'arme lourde, "mitrailleuses et (lance-roquettes) RPG7". "Les rebelles ont évacué des blessés dans l'hôtel du Golf. C'est devenu une enclave et ils sont encerclés par les forces de l'ordre", a-t-il ajouté. Des hélicoptères de l'Onu survolaient la ville quand les tirs ont éclaté. Les Nations unies disposent d'environ 10.000 soldats et policiers dans le pays. Cette force de maintien de la paix est mandatée pour la protection des civils, mais elle a dit ne pas avoir pour tâche de protéger la marche de jeudi. DISCUSSIONS INTERAFRICAINES AU NIGERIA Alassane Ouattara a installé son gouvernement parallèle sous la protection de soldats de l'Onu à l'hôtel du Golf, près duquel des tirs d'armes lourdes ont brièvement retenti dans la matinée. "Ça tire de partout. On entend l'artillerie. Il y a des explosions. Ça provient de l'hôtel du Golf", a dit un témoin. Un collaborateur d'Ouattara a estimé que l'hôtel lui-même n'était pas attaqué par les forces pro-Gbagbo qui ont pris position à ses abords dans des véhicules munis de mitrailleuses. Laurent Gbagbo garde le contrôle de l'armée, de la radio-télévision et des bâtiments officiels. Mais une importante source de revenus de son administration pourrait être menacée, la Chambre de commerce de Côte d'Ivoire ayant recommandé cette semaine à ses membres de ne plus acquitter d'impôts. La tension était montée d'un cran mercredi, les forces de sécurité fidèles à Gbagbo ayant fait usage de gaz lacrymogènes et de balles réelles pour disperser une manifestation à Yamoussoukro, la capitale. Une personne au moins y a trouvé la mort selon plusieurs témoins. Une délégation de l'Union africaine devait rencontrer jeudi le chef de l'Etat nigérian Goodluck Jonathan, président en exercice de la Communauté économique des Etats d'Afrique de l'Ouest (Cedeao), dans le cadre des efforts qui visent à trouver une issue pacifique à la crise ivoirienne.