Alors qu'il symbolise les luttes et les espérances des Algériens, et constitue l'insigne symbole de la souveraineté nationale, le drapeau vert et blanc frappé du croissant et de l'étoile rouges subit toutes sortes d'atteintes. Déchirés, salis et défraîchis, des emblèmes nationaux continuent d'être arborés aux frontons des institutions. De quoi faire pavoiser les nostalgiques de l'Algérie française, et permettre aux officiels de céder à la tentation de vous «frapper avec vos propres armes», selon l'expression bien de chez nous. A ce jour, de nombreux responsables, à différents niveaux, font comme s'ils n'étaient nullement concernés par la question, vu l'état pitoyable de l'emblème arboré sur le fronton des édifices des institutions qu'ils dirigent. Les exemples sont nombreux qui montrent, preuve à l'appui, que la bannière vert et blanc frappée du croissant et de l'étoile rouges n'a aucune valeur à leurs yeux. Ce laisser-aller, tout condamnable qu'il est, n'autorise cependant pas la liberté prise par le ministère français des Affaires étrangères dans son rapport sur l'emblème algérien. Dans un webdocumentaire disponible sur le site du Quai d'Orsay, (http://destinations.diplomatie.gouv.fr/), que nous avons rapporté dans notre édition du 20 décembre, l'Algérie se décline d'abord à travers ce choix délibéré d'un drapeau en piteux état. Quel que soit l'effort pour suivre le contenu des documentaires, l'image lancinante et «bombardée» minutieusement du drapeau revient sans cesse, dans une sorte de matraquage minuté. Dans le monde de la Com et de la publicité, cela s'appelle faire passer un message. Dans un journal ou autre, cela aurait été admissible. Mais dans le site officiel du ministère français des Affaires étrangères, cela s'appelle outrage aux usages diplomatiques et atteinte aux sentiments des Algériens. Le droit à l'indignation autorise les Algériens à s'offusquer et à dénoncer cet impair. Les officiels en charge de veiller au respect des symboles de la République se doivent de réagir, ils seront dans leur rôle et cela relève de leur devoir. Les partis et associations sont également en appel. L'affaire est autrement plus grave que celle du guide Le petit futé qui avait, il y a quelques mois, soulevé un tollé. Rien n'est innocent, en particulier en politique, et il serait intéressant de connaître les explications du Quai d'Orsay sur ce choix qui reste une belle opération de communication… pour dénigrer l'Algérie en foulant aux pieds son symbole, qui représente le sacrifice de millions d'Algériens depuis 1830. Si le Quai d'Orsay, qui se plante par ailleurs sur la fiche du pays de la Géorgie, qu'il présente dans un autre webdocumentaire, en parlant de représentation franco-algérienne au lieu de géorgienne, avait besoin de drapeau algérien fier et altier, il n'y avait que l'embarras du choix. Alors pourquoi ce choix et à quelles motivations répond-il ? Nous connaissons la réponse, tout en espérant nous tromper ! Pour M. Bouhadja du FLN, toute nation qui se respecte doit respecter son emblème et, de plus, savoir le faire respecter. Les Français, souvenons-nous, ont fait montre de leur indignation à la suite d'un incident survenu dans une ville de province. Un jeune beur, pourtant de nationalité française, s'était permis d'arracher le drapeau planté au fronton de la mairie (en fait, c'étaient les armoiries de la ville), un geste malheureux et irréfléchi qui a alimenté une polémique qui n'en finit toujours pas, et que vient exacerber un incident similaire, survenu mardi à la préfecture des Alpes-Maritimes de Nice, lorsqu'un jeune Algérien, venu renouveler son titre de séjour, s'en est pris à l'emblème français parce qu'il n'aurait pas été satisfait, dit-on, des réponses du fonctionnaire. Evidemment, la préfecture a déposé plainte pour «dégradation de biens publics, détérioration d'un symbole de la République française et outrage au drapeau tricolore». Si le contrevenant risque une amende de 1500 euros, l'Algérie, elle, va certainement en pâtir dans les médias de l'Hexagone, dont on connaît l'estime qu'ils portent au pays. Chez nous, on ne sait pas encore si les Affaires étrangères ont attiré l'attention de leurs homologues français pour exiger, au moins, d'insérer des images plus «correctes» pour remplacer le drapeau déchiré du webdocumentaire, et ils sont en droit et dans l'obligation de le faire, ou s'ils se contenteront simplement de remplacer le vieux drapeau flottant sur l'édifice près du port d'Alger.