Cette image sera automatiquement bloquée après qu'elle soit signalée par plusieurs personnes.
L'Egypte s'enfonce dans la violence Moubarak décrète le couvre-feu et fait appel à l'armée au terme d'une journée marquée par des manifestations sanglantes
Au quatrième jour de la révolte en Egypte, la contestation se radicalise avec des accrochages plus violents enregistrés encore hier en début d'après-midi entre la police, massivement déployée, et des dizaines de milliers de manifestants à travers le pays, rassemblés pour réclamer la chute du président Hosni Moubarak. Les manifestants exigent de meilleures conditions de vie dans un pays où l'état d'urgence est imposé depuis près de 30 ans et où plus de 40% des 80 millions d'habitants vivent avec moins de 2 dollars par jour et par personne. Depuis le début des troubles en Egypte, huit personnes, dont deux policiers, ont trouvé la mort lors d'affrontements dans plusieurs régions du pays. Dans la capitale, Le Caire, plus de 2000 manifestants regroupés devant une mosquée de la place de Guiza ont été dispersés à coups de gaz lacrymogènes et de balles caoutchoutées tirées en l'air, ainsi que de canons à eau, à l'issue de la prière, rapportent des médias sur place. Aussitôt terminée la prière du vendredi, à laquelle a participé l'opposant Mohamed El Baradei, au milieu d'un lourd dispositif de sécurité, les fidèles ont scandé «A bas Hosni Moubarak». Dans le quartier de la grande mosquée d'Al Azhar, 2000 personnes se sont rassemblées sous un pont autoroutier qui traverse le quartier alors que les forces de sécurité avaient bloqué les rues environnantes. Les manifestants scandaient «Le peuple veut la chute du régime», salués par de nombreux habitants qui regardaient sans manifester. Au nord du pays, à Alexandrie, la police a fait usage de gaz lacrymogènes et de balles en caoutchouc pour disperser quelque 4000 à 5000 manifestants rassemblés près de la gare routière de Raml, dans le centre de la deuxième ville d'Egypte. Aux tirs des forces de l'ordre la foule ripostait par des jets de pierre. A Mansoura, dans le delta du Nil, plusieurs centaines de personnes ont manifesté avec le même slogan. Certains imams des mosquées de la ville ont appelé dans leurs prêches à «sortir dans la rue et à demander le changement». Les forces de sécurité, beaucoup plus nombreuses, ont tiré des gaz lacrymogènes pour disperser la foule qui criait également «le peuple veut la chute du régime». Plusieurs affiches du Parti national démocrate (PND) au pouvoir ont été arrachées par les manifestants, qui suspendaient des drapeaux égyptiens. Au sud de la capitale, dans la ville de Minia et à Suez, des heurts ont été signalés, où des manifestants ont mis le feu à une caserne de pompiers après avoir lancé des cocktails Molotov sur la police. Ces trois derniers jours, les manifestations ont été violentes, les protestataires lançant des pierres et des bouteilles incendiaires contre les bâtiments officiels et les policiers qui ripostaient par des gaz lacrymogènes, des balles caoutchoutées et aussi des pierres. Jeudi soir, dans le nord du Sinaï, même des roquettes antichars ont été utilisées contre la police mais sans la toucher. El Baradei veut mener une «transition» politiqueL'opposant égyptien El Baradei a exprimé jeudi sa disposition à «mener la transition» politique en Egypte «si la population veut». «Je ne la décevrai pas», a affirmé l'ancien chef de l'Agence internationale de l'énergie atomique (AIEA), qui a expliqué que son retour en Egypte «est motivé par sa volonté de s'assurer que tout se passe de manière pacifique et régulière». Il a qualifié la situation de «moment critique dans l'histoire de l'Egypte» et a ajouté qu'il était venu pour participer avec le peuple égyptien «aux manifestations contre le gouvernement du président Hosni Moubarak». La priorité immédiate de cet opposant est de voir une nouvelle Egypte et de la voir naître grâce à une transition pacifique. Il a appelé le gouvernement en place en Egypte à écouter les demandes des populations et à ne pas recourir à la violence. M. El Baradei, prix Nobel de la Paix, a formé un mouvement, l'Association nationale pour le changement, qui appelle à des réformes démocratiques et sociales et soutient les manifestations de rue en Egypte. Divergences dans le clan Moubarak Le président de la commission des affaires étrangères de l'Assemblée, également membre du Parti national démocrate au pouvoir, a appelé hier le président égyptien Hosni Moubarak à «des réformes sans précédent» pour éviter une «révolution» en Egypte. «Nulle part au monde la sécurité n'est capable de mettre fin à la révolution», a dit Mostapha Al Fekki. «L'option sécuritaire seule n'est pas suffisante et le président est le seul à même de faire cesser ces évènements», a-t-il estimé. Le Caire victime d'un double jeu de Washington Les Etats-Unis ont financé à hauteur de plusieurs dizaines de millions de dollars des organisations de promotion de la démocratie en Egypte, au grand dam du président Moubarak, selon des notes obtenues par WikiLeaks et publiées hier par le journal norvégien Aftenposten. L'Agence des Etats-Unis pour le développement international (Usaid) aurait prévu de consacrer 66,5 millions de dollars en 2008 et 75 millions en 2009 à des programmes égyptiens sur la démocratie et la bonne gouvernance, selon une note de l'ambassade des Etats-Unis au Caire du 6 décembre 2007. «Le président Moubarak est profondément sceptique à l'égard du rôle des Etats-Unis dans la promotion de la démocratie», selon un autre télégramme diplomatique datant du 9 octobre 2007. «Toutefois, les programmes du gouvernement américain aident à établir des institutions démocratiques et à renforcer les voix d'individus en faveur d'un changement en Egypte», ajoute la note. Selon le journal suédois, les Etats-Unis ont directement contribué à «développer des forces qui s'opposent au président» Moubarak.