Ce n'est pas tout à fait une bonne nouvelle pour les 2 millions de manifestants présents hier sur la place de la Libération. Dans son second discours et avec trente ans de retard sur ce que réclame la jeunesse égyptienne, Hosni Moubarak a déclaré qu'il n'a jamais eu l'intention de briguer un nouveau mandat. Vu l'âge qu'il a, c'est vrai que ce n'est pas de tout repos. A moins qu'il veuille égaler la longévité au pouvoir du Zimbabwéen Robert Mugabe. Le Raïs veut rester jusqu'en septembre prochain, histoire de sortir avec les honneurs et non pas par la porte dérobée que le Tunisien Ben Ali a dû emprunter sur la pointe des pieds. Il ne manquerait plus qu'un défilé militaire pour accompagner le Président égyptien à l'aéroport international du Caire. De toutes les guerres, l'ex-homme fort du Sinaï mérite bien respect. Peut-être que les générations futures se souviendront de sa bravoure mais pour ce qui est de l'actuelle, elle ne veut aucunement le voir figurer sur les manuels scolaires. Hosni Moubarak doit partir aujourd'hui et non pas à la veille de la présidentielle. Car, vieux routier de la politique qu'il est, il a omis de demander aux futurs rédacteurs de la nouvelle Constitution de modifier un article qui pourrait permettre à son fils Djamel de se la couler douce dans les jardins du palais présidentiel. Face à l'obstination du père, le Président Obama ne fait que s'enfoncer dans la gêne. Il aura beau consulter ses conseillers et les chefs d'Etat du Moyen-Orient, la perte d'un allié de longue date et le soutien des aspirations démocratiques de tout un peuple ne vont pas ensemble. Craint-il que les lobbys juifs lui fassent la gueule à une année de la présidentielle qu'il voudrait remporter ? Après tant d'agitation, Benjamin Netanyahu vient de lui faciliter la tâche. La communauté internationale est juste priée d'exiger de n'importe quel autre gouvernement égyptien de respecter le traité de paix de Camp David. Que Tel-Aviv ne fasse pas de bile, les Egyptiens ne laisseraient pas leur échapper la cagnotte annuelle de 2,8 milliards de dollars. De toute façon, a écrit le journal israélien Haaretz, l'Etat hébreu n'a plus vraiment le choix si ce n'est s'adapter à une nouvelle configuration géopolitique qui se dessine dans la région. Des Etats islamiques qui cerneraient Israël de partout ? Attendons de voir, mais les éditorialistes du Haaretz sont formels, l'Etat hébreu n'a plus le choix de traîner ses pieds comme il s'est habitué à le faire depuis des lustres. Il est condamné à conclure la paix avec les Palestiniens et les Syriens. De ce point de vue-là, la révolte des Egyptiens est exceptionnelle et ne promet que peur et chaos durant la transition que Hosni Moubarak veut conduire en descendant des pharaons. Mieux encore. Pris de panique, le Président yéménite, Ali Abdallah Salah, renonce à briguer un nouveau mandat et jure qu'il ne s'amusera pas à «filer» le pouvoir à son rejeton. Ça rassure. Mais ce qui demeure décevant, terme usité par la Grande-Bretagne pour rejeter le nouveau gouvernement égyptien, c'est que Hosni Moubarak continue d'ignorer le message de son peuple alors que d'autres l'ont saisi au vol, sans trouble social aucun. Dommage. Surtout quand le prudent Président Obama lui signifie, par le biais de son envoyé spécial au Caire et par le président du Conseil des relations extérieures US, que ses jours au pouvoir sont désormais comptés. La fin de son règne totalitaire coïncidera-t-elle avec le vendredi de colère ? Demain, il est fort possible que les Egyptiens lui disent en chœur : Goodbye Mister President.