Toute la planète en parle. Le Clasico entre le Real et le Barça a atteint, ces derniers jours, son acmé, un degré de popularité extraordinaire de par le monde au point de devenir un véritable phénomène des temps modernes. Des Philippines aux Maldives en passant par le dernier canton chinois, le monde, ce gros village, est à présent divisé en deux : les pro Real et ceux du Barça. Le match qui, il y a quelques années en arrière, ne passionnait guère que la péninsule ibérique et quelques spécialistes du ballon rond a pris, grâce aux nouvelles technologies de la communication, notamment la parabole, une dimension planétaire. Le Clasico n'appartient plus à l'Espagne, le monde se l'est approprié, n'en déplaise aux nostalgiques. C'est aussi la revanche du «Maure», celui qu'on a prié de se taire lorsqu'il voulait intervenir dans une dispute entre deux supporters espagnols, l'un du Barça et l'autre du Real. Les deux se sont aussitôt ligués contre lui, décrétant la trêve juste pour lui rappeler qu'en tant qu'étranger, il n'a pas droit au débat. Désormais, ils ne sauront contenir la passion déchaînée que suscite ce rendez-vous universel à travers lequel chacun peut maintenant s'identifier fièrement. IL TUE SON COPAIN POUR LE MATCH Chez nous, on n'hésite plus à afficher à l'envi sa préférence, allant même jusqu'à provoquer l'autre bord. L'incident dramatique, heureusement isolé, qui s'est produit dernièrement à El Oued où un fan a tué son copain parce qu'il était pour l'autre équipe illustre bien la démesure de la ferveur des Algériens pour ce choc ibérique. C'est d'abord dans la ville de Tlemcen que la fièvre du Clasico s'est déclenchée la première. En effet, cela fait plusieurs années déjà que les Tlemcéniens, on ne sait si c'est par atavisme dû à leurs origines andalouses ou pour un tout autre motif, s'enflammaient et se passionnaient à chaque fois que les deux équipes se rencontraient. La ville étaient coupée en deux. Chaque camp n'hésitait pas à défiler dans les rues de la ville, cortèges de voitures et drapeaux déployés, lorsque cela en valait la peine. Ce qui était une curiosité à l'époque pour les autres régions du pays est devenu par la force des choses un phénomène de mode. Aujourd'hui, dans le plus petit patelin de l'Algérie, à chaque coin de rue, les pics et les quolibets des uns envers les autres se multiplient au point que l'on pourrait facilement croire qu'il s'agirait d'un derby local. A L'OPPOSE DU FOOT ALGERIEN D'ailleurs, Real-Barça a totalement éclipsé notre championnat, à telle enseigne qu'aujourd'hui, cela fait un peu ringard de supporter nos pauvres équipes qui évoluent souvent devant des gradins horriblement vides et dont les joueurs sont devenus les victimes désignées des sarcasmes de nos nouveaux supporters qui n'ont d'yeux que pour Messi, Cristiano, Xavi, Iniesta et autres Casillas. Durant cette période, ces fans sont gâtés, puisqu'ils ont droit à quatre Clasicos explosifs en l'espace de quinze jours. Les supporters de ces deux formations ne pouvaient espérer mieux pour une explication au sommet, l'occasion aussi de régler leurs comptes une fois pour toutes. Même les techniciens du monde entier sont divisés par ce match. D'autant que le football proposé à l'heure actuelle par les deux antagonistes est diamétralement opposé, donc sujet à plus d'antinomie chez les spécialistes. Le beau jeu et le football porté vers l'attaque pratiquée par les Barcelonais sont contestés par les desseins tactiques machiavéliques du coach Mourinho, «Mou» pour les intimes, dont les sorties médiatiques sont à chaque fois, un régal. Il a créé un nouveau genre de communication et de comportement qui agace parfois, mais qui a fait ses preuves. Sa science du jeu et son sens aigu de la tactique lui ont valu une notoriété qu'aucun entraîneur n'a eue avant lui. C'est de cette opposition de styles complètement distincts, mais qui existent depuis l'invention du football, que se nourrit la presse pour diviser le monde en deux. Ce soir, à l'heure du match, les rues vont de nouveau se vider chez nous. Mais dès le coup de sifflet final de l'arbitre, les fans des deux géants du football mondial les envahiront de nouveau pour refaire le match cent fois… mille fois, avant de se donner rendez-vous dans une semaine pour un nouveau Clasico. Apparemment, ils ne vivent plus que pour ça.