Le choc, puis la colère. Voilà ce qui résume la tendance générale à Azazga après la bavure qui a coûté la vie à un paisible journalier sous le regard atterré de plusieurs témoins. Située à une quarantaine de kilomètres à l'est de Tizi Ouzou, et une nouvelle fois propulsée sur le devant de la scène sécuritaire, Azazga tente de reprendre son souffle, de comprendre. La colère et l'indignation sont le sentiment dominant dans la cité. Les circonstances de la mort du malheureux ouvrier sont dans toutes les bouches, et la même version des faits est répétée par tous. Les habitants de la région ne décolèrent pas après la bévue, reconnue du reste, commise jeudi après-midi par les militaires qui ont été visés par un attentat terroriste au lieu Tazaghart, à la sortie nord de la ville, à quelques encablures de l'hôpital Meghnem-Lounès. En effet, durant toute la journée d'hier, soit le deuxième jour, la région d'Azazga est restée ville morte. Le mouvement de grève générale enclenché depuis avant-hier a paralysé la ville. Décidée juste après cet attentat qui a tétanisé la population, la grève générale lancée par le comité local des citoyens a été massivement suivie. La ville s'est vidée également. Durant la journée d'hier, et dès les premières heures de la matinée, ils étaient nombreux à se rendre au village Oumadhene, dans la localité de Souamaa, pour assister aux funérailles de la victime, Dial Mustapaha, âgé de 41 ans et père quatre enfants. Manœuvre de son état, il a été criblé de balles par des militaires alors qu'il courait, sans doute de peur, après avoir entendu les explosions et les rafales. La même version des faits «Ce qui s'est passé dans notre localité est vraiment impardonnable. Des militaires, censés nous protéger et assurer notre sécurité, ont tiré sur des civils. Nous n'allons pas nous taire cette fois-ci. La victime n'a pas été tuée durant l'accrochage par une balle perdue comme le laissent supposer les autorités militaires. Elle a été touchée après l'attentat, à deux reprises, selon plusieurs témoins oculaires. Les militaires, pris de panique, n'ont pas trouvé quoi faire que de déverser leur colère sur des civils sans défense», nous a déclaré une habitante de la ville d'Azazga, d'un air empreint de tristesse et de colère à la fois. Quant à la deuxième victime, une personne âgée de 62 ans, jardinier de son état, même si ses jours ne sont pas en danger, elle nécessite plusieurs jours de convalescence après avoir été touchée au pied. Les rares habitants que nous avons rencontrés, des femmes et des personnes âgées en général, montrent des signes de colère et d'indignation. Presque l'ensemble des habitants de la ville s'est déplacé à Oumadhène pour assister à l'enterrement de Mustapha. A Oumadhène, petit village distant de 11 km du chef-lieu de la commune de Souamaa, une foule nombreuse, en dépit d'une chaleur suffocante, a accompagné le défunt à sa dernière demeure. Ils étaient des milliers, des anonymes, des militants de partis politiques, de défense des droits de l'homme, à venir assister aux funérailles mais surtout à apporter leur soutien à la famille de la victime. D'ailleurs, un membre du comité du village Oumadhène a annoncé une action de coordination avec le comité d'Azazga pour que la famille de la victime soit prise en charge socialement. Marche populaire Dans sa longue allocution, juste avant l'enterrement de la victime, le maire de Souamaa a tenu à rassurer la famille de la victime quant à la prise en charge de la famille en ces moments difficiles. «J'appelle les habitants de notre région en particulier et ceux de toute la wilaya de Tizi Ouzou en général au calme et à ne pas céder à une quelconque velléité de violence. Il faut rester mobilisés pacifiquement jusqu'à ce que la vérité éclate au sujet de cet énième drame qui a touché notre chère région», a déclaré le premier magistrat de la commune de Souamaa. La consternation se lisait sur les visages de tous les présents hier à l'enterrement de Mustapha. «Ce qui est arrivé à ce pauvre ouvrier peut arriver à toute autre personne. Il faut que l'Etat intervienne pour mettre un terme à ces bavures militaires itératives et les responsables doivent être sanctionnés», fulmine un vieil habitant d'Oumadhène. Il est à rappeler à ce sujet que le wali de Tizi Ouzou, en compagnie d'un responsable militaire, s'est rendu à Azazga où ils ont rencontré les représentants de la société civile pour calmer les esprits et rassurer la population. Malgré les déclarations des responsables militaires, notamment celles relatives au déclenchement d'une enquête pour déterminer les responsabilités des uns et des autres, la colère est toujours vive. D'ailleurs, pour aujourd'hui, une marche populaire est prévue à Azazga pour exiger une nouvelle fois que la lumière soit faite sur cet incident et aussi dénoncer l'installation et la mise en place de certaines structures militaires et sécuritaire au sein des agglomérations.