A Tamanrasset, la consommation de drogue a pris des proportions alarmantes. La population locale tire la sonnette d'alarme et exige la protection des jeunes et des enfants des nombreux dangers qu'engendre ce phénomène. Des réseaux de fabrication et de commercialisation de produits mortels sont très actifs sur le terrain. Ils ont fait beaucoup de victimes dans les milieux juvénile et enfantin. La drogue est partout. Elle est consommée dans la rue mais également à l'intérieur des écoles. Nul n'est à l'abri. Tout a commencé par la découverte du corps sans âme d'un jeune âgé de 24 ans, à quelques kilomètres d'«Echâteau», source de plusieurs maux dans cette wilaya, il y a un mois environ. Cette mort suspecte est intervenue suite à une bagarre déclenchée entre un groupe de jeunes qui étaient tous dans un état d'ébriété à Gatâe Eloued. Les membres de ce groupe sont sous mandat de dépôt. Se sont succédé ensuite plusieurs événements qui ont révélé l'implication de plusieurs jeunes de la région dans le commerce et la consommation de drogue. L'alerte «Tout ce qui se vole en ville, on le retrouve à Echâteau. C'est une règle, tout le monde est au courant», nous affirme un jeune artisan âgé de 18 ans. Il raconte sa propre expérience. «J'ai perdu mon vélo de couleur rouge. Ça s'est fait en une fraction de seconde pendant que je faisais une course. J'ai contacté un camarade africain résidant dans ce quartier pour me le retrouver. Il est revenu le lendemain en m'assurant qu'il a retrouvé le vélo à Echateau. Il m'a dit qu'il ne pouvait pas le récupérer car c'est un réseau mafieux qui l'a volé et qu'il était incapable de les affronter», nous a-t-il affirmé. «Il se passe des choses effrayantes dans ce quartier considéré comme une zone dangereuse. Je ne suis jamais parti et je ne veux pas m'approcher de ce genre d'endroit. C'est trop risqué», a-t-il affirmé. Un autre chauffeur n'ose pas détailler ce qu'il sait de cet endroit. «Essayez de rentrer à l'intérieur, vous allez voir des choses terribles que vous ne trouvez pas ailleurs, mais faites attention à votre vie. Je n'ai jamais vu cela ailleurs», a-t-il raconté avec un air choqué. «La drogue se propage de façon mystérieuse dans notre wilaya. Tous nos jeunes s'adonnent à ces produits dangereux et planent dans un autre monde. Même les enfants en bas âge sont concernés. Ils en consomment à l'intérieur de l'école même. C'est connu de tous. La consommation s'est propagée au centre-ville comme dans les autres villes à proximité, à Idless, à Tinzawatine, à Tazrouk et partout. Cela fait vraiment peur» nous dira un élu à l'APW. Les habitants affirment que les arrestations opérées par les services de sécurité dans ce quartier sont minimes et souvent n'aboutissent à rien. «On voit que la police les prend et les relâche après quelques jours de détention comme si de rien n'était. En revanche, ce sont nos enfants qui subissent les effets néfastes de ces poisons. Ils ont appris à voler et à agresser pour acheter ces drogues alors que ces comportements étaient inexistants au sein de nos familles», dira un autre jeune lycéen. Le bidonville de tous les dangers Les drogues en circulation massive à Tamanrasset proviennent essentiellement d'Echâteau, un quartier occupé par des émigrés clandestins d'Afrique noire où nous nous sommes rendus. Sur une large superficie, toujours pas délimitée par les collectivités locales, se sont bâties des centaines d'habitations inachevées réalisées en parpaing et autres matériaux locaux, ne répondant à aucune norme de réalisation ou d'urbanisation. Echâteau est un bidonville géant et une source de malheur pour la population locale. C'est là où circulent, en toute liberté, les gangs de la drogue et les passeurs, qui ne sont autres que des réseaux spécialisés en émigration clandestine. C'est là aussi que se propagent toutes formes de sorcellerie et autres phénomènes de mauvais aloi. La succession d'habitations auto- construites bâties de manière artisanale, à base de pierres et autres matériaux rénovés, est aussi un grand espace où l'anarchie fait loi. S'ajoute au désordre architectural défigurant la nature et l'environnement, l'absence flagrante d'hygiène. Des tonnes d'ordures sont accumulées en plusieurs endroits, des fumées noires se dégagent des plafonds troués des maisons, dégageant des odeurs nauséabondes et insupportables. La pauvreté extrême des habitants de ce quartier est également visible à travers les habits déchirés et usés des enfants qui courent et jouent par terre. La circulation dans les semblants de ruelles de ce quartier est très difficile. Celui qui pense franchir l'un des accès de ce quartier est vite réputé être un consommateur ou un baron de la drogue. Une étiquette collée à vie. Tout passager dans les étroites ruelles d'Echâteau est surveillé de très près par les nombreux jeunes, qui se constituent en réseaux pour surveiller leur territoire acquis sans la moindre résistance. Les regards effrayants et suspects de ces jeunes africains fait craindre le pire. Ils sont prêts à attaquer et à agresser toute personne qui perturbe le calme plat qui marque ce bidonville. Des jeunes et des femmes rebroussent chemin et fuient le passage d'un véhicule étranger de peur d'être identifiés. Les plus courageux se mettent au milieu des énormes roches noires pour fumer leur drogue en toute tranquillité. Craignant les représailles, ils se cachent au milieu des pierres au passage de chaque véhicule. Les jeunes se sentent protégés par leur présence à l'intérieur de leur territoire qui ressemble à une grande ville abandonnée. «Nous ne connaissons pas la superficie exacte de ce quartier qui grandit de jour en jour. Les familles s'installent ici en communautés. Elles détruisent ou brûlent les pierres rocheuses pour pouvoir dégager un espace où bâtir une maison», nous confie un élu à l'APC de Tamanrasset. Les populations fuient la pauvreté et la misère des pays africains et s'installent dans ce quartier où naissent des réseaux spécialisés dans la fabrication et la commercialisation des drogues et autres stupéfiants. Les habitants de Tam affirment que ces maux ne sont fabriqués ni par les nigériens ni par les maliens «des populations musulmanes qui respectent les traditions et n'osent pas fabriquer ces poisons». Ce serait plutôt l'œuvre des nigérians, des togolais, des tchadiens, des somaliens, des gens de la Côte d'Ivoire, des Camerounais, et autres nationalités d'Afrique Centrale.
Le dernier cri Outre le kif et les psychotropes traditionnels, largement répandus dans la région, de nouveaux types de drogues ont fait leur apparition depuis quelque temps dans cette wilaya. Les africains fabriquent des produits toxiques extrêmement dangereux. Le «tapalou» est le dernier en date. «C'est un mélange composé de souliers sales et usés, de riz, de levure de bière et de vinaigre. Une fois bien mélangé, ce liquide est mis dans des trous de cinq mètres de profondeur pendant deux semaines. Une fois cette période passée, on obtient un liquide concentré alcoolisé de couleur claire qu'on commercialise à 100 dinars le verre», nous raconte un habitant de Tamanrasset. La commercialisation de ces produits se fait à travers des réseaux africains bien infiltrés au sein de la population depuis plusieurs années. Avant d'inventer le «tapalout», d'autres drogues faites à base de plantes et autres matières locales étaient très répandues dans les milieux juvéniles. Il s'agit de la «gaba» et «bingo», deux drogues faites d'herbes, cédées à 500 dinars. «La sabona», un comprimé psychotrope de couleur foncée, est cédée entre 200, 500 et 1000 dinars selon la quantité. «Arbia», un kif de forte dose, de couleur jaunâtre, est cédé en grammes. «La polima» est un autre genre de kif de couleur foncée dont la dose est moins forte que l'arbia. «Tous les jeunes se droguent. Tous les quartiers sont touchés. Les produits toxiques mortels se sont infiltrés à Inkouf, Ksar, Tahagart est et ouest, Katae El Oued, Sourrou, cité Tantalt à Sersouf et même ailleurs. Les jeunes ne trouvent pas d'autres remèdes face aux problèmes sociaux auxquels ils sont confrontés quotidiennement. Chômage, crise de logement, pauvreté… ils n'écoutent plus personne et ne croient plus à rien. C'est le naufrage. On a peur pour les grands mais aussi pour les petits qui se sont familiarisés avec ces produits. «Il faut faire quelque chose pour sauver notre jeunesse», alerte un jeune travaillant comme agent de sécurité dans un établissement étatique. Il appelle à la création de réseaux sociaux pour prendre en charge ce fléau. «Il y avait deux associations qui activaient dans la sensibilisation des jeunes mais elles ont arrêté faute d'agrément. Ce genre d'association est plus que nécessaire dans la conjoncture actuelle car cela devient dramatique», a-t-il poursuivi. La sonnette d'alarme L'alerte sur le danger que représentent ces produits a été tirée depuis quelques années avant même d'atteindre ce seuil inadmissible. «Ce sont des produits mis sur le marché depuis 2006. Nous avons tiré la sonnette d'alarme, mais rien à faire. Il a fallu que nos enfants aillent en prison et soient arrêtés pour trafic de drogue pour que les autorités se penchent sur le problème. Nous avons même revendiqué la fermeture totale de ce quartier qui nous a occasionné des problème énormes», diront les habitants rencontrés sur place. «On doit tous œuvrer ensemble et travailler en collaboration avec les services de sécurité pour éradiquer ce phénomène et mieux sécuriser la région qui se trouve actuellement sous la menace du terrorisme, de la drogue, de la circulation des armes et autres, ce qui constitue une menace cruelle pour nous. Ce sont là les facteurs de l'insécurité et de l'instabilité qui nous sont fatales. Alors, oublions nos problèmes et nos différences internes et mobilisons-nous pour sauver Tamanrasset de ces maux certains», dira Mohamed Baba Ali, coordinateur de wilaya du RND. Selon lui, c'est le moment idéal pour les politiciens de travailler et d'investir le terrain afin de prévenir des dangers de la drogue. «Le travail de terrain et la rencontre avec la population ne doivent pas se restreindre à la campagne électorale uniquement», a-t-il ajouté. Les habitants appellent à la prudence et dénoncent la complicité locale. «Il y a trois ans, le quartier d'Echâteau a été considéré comme une zone rouge où l'accès a été interdit à tous. Même les services de sécurité ne pouvaient y pénétrer», affirme-t-il. Les travaux timides d'aménagement opérés par l'APC de Tamanrasset ont permis une certaine présence des services de l'ordre à l'intérieur de ce quartier. «On a mis l'éclairage et aménagé certains passages pour les véhicules mais la résistance de la population est visible. Ils cassent tout dès qu'on finit les travaux, dira un élu. La sauvegarde de la sécurité de la ville est la responsabilité de tous. C'est même une responsabilité commune entre les citoyens et les services de sécurité. «Je dénonce la complicité de quelques familles qui acceptent de louer leurs maisons à des africains clandestins qui sèment ensuite la terreur au sein de la population. La protection des services de sécurité est nécessaire dans ce cas de figure, mais la conscience de la population ainsi que le sens du civisme sont également de mise dans ces circonstances», diront les habitants, qui comptent demander une enquête approfondie sur ce phénomène qui doit aboutir à l'interdiction de location des demeures aux clandestins. «Nous sommes une société qui boude la personne alcoolique. comment voulez-vous qu'on tolère la présence de ce genre de comportement parmi nous pour quelques sous de plus ?» conclut-il.