La moitié des drogués ont moins de 20 ans, et la répartition géographique des toxicomanes se recoupe avec les régions durement frappées par la violence terroriste. Une enquête menée par la Fondation nationale pour la promotion de la santé et le développement de la recherche (Forem), dans quatre wilayas du pays, en l'occurrence, Alger, Aïn Defla, Tamanrasset, et Ouargla, entre novembre 2004 et mai 2005, a fait ressortir que la consommation de la drogue dans les milieux scolaires a atteint un pic «inquiétant». Le phénomène prend une ampleur «grave» selon les spécialistes. La capitale vient en tête. Des 2006 élèves interrogés, 270 ont reconnu être des consommateurs de drogue. Aïn Defla occupe le deuxième rang avec 24% de l'échantillon interrogé suivi de Tamanrasset et de Ouargla, avec respectivement 12 et 5%. Dans la majorité des cas (60%) les élèves le font en groupe. Cette étude relative à la consommation de la drogue «permet de tirer quelques enseignements», précise M.Mostéfa Khiati, président de la Forem, qui été hier l'invité du Forum El Moudjahid. D'emblée, il est à constater que l'abus de drogue n'est pas limité à une classe donnée, toutes les couches sociales paraissent concernées. Le phénomène intéresse tant les garçons que les filles avec une fréquence plus basse (4% des consommateurs). Les petites villes sont touchées au même titre que les grandes métropoles puisque la moitié des jeunes toxicomanes est originaire de l'intérieur du pays. «A posteriori, on se rend compte que la répartition géographique des toxicomanes se recoupe avec les régions durement frappées par la violence terroriste, c'est le cas notamment de Aïn Defla», précise le conférencier. Par ailleurs, le profil des consommateurs de drogue commence à mieux être connu. Dans un tiers des cas, le toxicomane commence à fumer le tabac dès l'âge de dix ans. A 15 ans tous les consommateurs de drogue fument les cigarettes. La moitié des drogués ont moins de 20 ans. Les toxicomanes recensés sont rarement analphabètes. Dans 50 à 80%, ils possèdent une instruction secondaire ou universitaire. La plupart des toxicomanes sont issus de familles nombreuses avec six à douze enfants. L'influence de l'entourage est irréversible, parce que dans les 50% des cas recensés, les consommateurs ont un ami ou un parent, dans l'entourage, qui se drogue. Il faut savoir que la consommation de la drogue en Algérie dépend de la disponibilité instable des produits consommés. Si la résine de cannabis a été pendant longtemps, pratiquement le seul produit sur le marché, «aujourd'hui on assiste à des saisies de plus en plus importantes d'héroïne, de cocaïne et de psychotropes». Les statistiques placent l'Algérie juste après l'Allemagne, et bien avant la Suisse et la Belgique. L'enquête, qui s'est référée aux statistiques de la Gendarmerie nationale et de la police, a conclu que l'Algérie est passée du statut de pays de transit à celui de pays consommateur de la drogue. Le danger est d'autant plus grave selon le conférencier, sachant que la marchandise saisie ne représente que 10% seulement de la drogue «importée». A noter que dans le milieu scolaire, la prédominance (70%) reste pour la consommation du cannabis et des psychotropes. Cela est dû principalement à leur faible prix sur le marché. Dans le même chapitre, les spécialistes ayant mené cette enquête ont établi que les élèves «sont attirés» aussi par la consommation de l'alcool et du tabac. 35% des élèves interrogés à Alger consomment les boissons alcoolisées contre 40% pour le tabac. La découverte par une famille qu'un de ses membres est toxicomane peut créer une situation difficilement gérable. «Très souvent les parents sont désorientés, ils n'arrivent pas à établir une communication avec leurs enfants.» Ce qui nécessite une prise en charge rapide par les établissements spécialisés concernés, conclut l'enquête.