Selon une étude élaborée en 2006 par la Direction générale de l'administration pénitentiaire, le nombre d'incarcérés pour des affaires de toxicomanie et de trafic de stupéfiants a augmenté de 7,5% durant la dernière année. Les toxicomanes représentent 12,66% de la population carcérale. 53,88% ont entre 18 et 27 ans. 54,24% ont été mis en prison pour des affaires de vol. 56,69% des produits consommés sont des psychotropes. En 2004, 8 771 affaires de drogue ont été traitées par la justice. Il en a résulté le jugement et l'incarcération de 12 996 individus, dont l'âge de la moitié d'entre eux varie de 18 à 35 ans. En prison, les dealers et les trafiquants se retrouvent avec une masse de consommateurs qui, la plupart du temps, ont atterri dans le monde carcéral pour d'autres délits. L'étude de la Direction générale de l'administration pénitentiaire dressant leur profil omet de signaler que beaucoup parmi ces usagers se laissent tenter lorsqu'ils sont sous les verrous. Elle occulte également l'existence de petits marchés qui fleurissent avec la complicité d'agents des pénitenciers. “Dans ces cas-là, nous engageons des poursuites contre les auteurs”, réplique concis M. Mokhtar Felioune, premier responsable des prisons. Selon lui, la majorité des consommateurs sont légalement approvisionnés dans le cadre des cures qui leur sont prodiguées. “Ce sont des gens qui sont adeptes surtout de psychotropes”, note M. Felioune. Ce proche collaborateur du ministre de la Justice, Tayeb Belaïz, intervenait hier à l'ouverture d'un atelier international sur la prise en charge des jeunes toxicomanes en milieu carcéral. Cette rencontre de deux jours, qui se tient à l'Ecole supérieure de magistrature, est coorganisée par le Fonds des Nations unies pour l'enfance (Unicef). Des experts nationaux et internationaux et des animateurs du mouvement associatif ont été conviés à faire part de leurs suggestions, dans la perspective de la mise en place d'une stratégie efficiente. À cet égard, trois ateliers ont été ouverts, traitant des facteurs de la délinquance juvénile et de la toxicomanie chez les jeunes détenus, de leur prise en charge et de leur réinsertion sociale. Les résultats alarmants de l'expertise de l'administration pénitentiaire, élaborée en 2006, exigent des solutions immédiates. Selon cette enquête, 12,66% des détenus sont des consommateurs de drogue. Sur une population carcérale qui oscille entre 40 000 et 50 000, environ 6 000 toxicomanes sont comptabilisés. 53,88% ont entre 18 et 27 ans. 56,69% sont consommateurs de psychotropes. 54,24% ont été mis en prison pour des affaires de vol. “Le vol servait dans la plupart des cas à l'achat de la drogue”, précise M. Abdelmalek Sayeh, directeur général de l'Office national de lutte contre la drogue et la toxicomanie. Délivrant à son tour les résultats de l'étude, il fait remarquer que les durées des détentions ne dépassent pas 5 ans. Les jeunes, qui représentent déjà plus de 50% de la population carcérale, tendent à occuper une place plus importante. Le nombre d'incarcérés ayant été impliqués dans des affaires de toxicomanie et de trafic de stupéfiants grimpe incommensurablement. Une hausse de 5% a été enregistrée en 2005 contre 7,5% en 2006. “Il est temps de tirer la sonnette d'alarme pour contenir ce fléau avant qu'il ne soit trop tard”, préconise le garde des Sceaux dans une allocution lue par le directeur de l'administration pénitentiaire. Sur le plan législatif, des garde-fous ont été mis en place depuis des décennies. En 1971, une commission nationale de lutte contre les stupéfiants avait été créée. Trois années plus tard, une loi était édictée réprimant la commercialisation et la consommation de la drogue. En 1997, un office national a vu le jour. Enfin, en 2004, les pouvoirs publics élaboraient un texte sur la prévention et la répression de l'usage et du trafic illicites de stupéfiants et de substances psychotropes. Son article 7 autorise le juge des mineurs à soumettre les consommateurs à des cures de désintoxication. L'article 8 en fait une obligation. Mais à condition que les effectifs et les structures de soins soient disponibles. De l'avis même du directeur général de l'administration pénitentiaire, aucune des 127 prisons du pays ne recèle ce genre d'unités. À l'extérieur aussi, il n'en existe pas. Selon le responsable de l'Office national de lutte contre le trafic de drogue et la toxicomanie, 3 à 4 antennes sont ouvertes dans des établissements hospitaliers. Mais, il n'y a point d'établissements spécialisés en cure de désintoxication. En matière d'encadrement, les prisons sont aussi très mal loties. Avec 230 psychologues disponibles dans 93 prisons uniquement (sur 127), l'administration pénitentiaire n'est pas en mesure d'offrir aux détenus drogués l'aide et le soutien nécessaires. Le directeur de l'Office contre la drogue “L'Algérie est passée d'un pays de transit à un pays de consommation” n Désigné récemment à la tête de l'Office national de lutte contre le trafic des stupéfiants et de la toxicomanie, Abdelmalek Sayeh sait qu'il a du pain sur la planche, car la drogue dans notre pays est loin d'être un fait marginal. “Auparavant, l'Algérie était classée par les organisations internationales comme un pays de transit. Aujourd'hui, elle est devenue un pays de consommation”, assène-t-il. Dans son intervention hier devant les participants à l'atelier international sur la prise en charge des jeunes toxicomanes en milieu carcéral, il a cerné les causes de cette mutation. Selon lui, la situation géographique de notre pays entre le Maroc, plus grand producteur au monde de la résine de cannabis et l'Europe, plus grand marché de drogue, est l'une des raisons de cet essor. L'absence d'instruments de prévention efficaces est également une lacune. D'aucuns estiment que la consommation de la drogue a pris de l'ampleur durant la décennie noire. “La révision des priorités”, en d'autres termes, la concentration sur la lutte antiterroriste, a poussé les autorités concernées à se détourner de ce phénomène et à négliger ses proportions, assure M. Sayeh. S. L.