«Les réformes politiques en Algérie, tout le monde en parle mais personne n'est encore en mesure de dire en quoi elles consistent au juste. Dans l'état actuel des choses, il est en effet impossible de produire une analyse purement académique sur la question. Tout ce qui se dit à ce sujet n'est que prises de position, préjugés ou convictions personnelles», a déclaré Abdelaziz Djerrad, politologue, enseignant à l'Ecole nationale d'administration (ENA) et ancien secrétaire général de la présidence de la République, lors de son passage dimanche soir à l'espace Mille et une news, un lieu de débat créé par le quotidien Algérie News à l'occasion du Ramadhan. M. Djerrad a été invité pour donner une conférence sur «les réformes politiques», un concept très en vogue depuis quelques mois surtout au Moyen-Orient et au Maghreb. L'assistance, composée de journalistes et d'enseignants, est restée sur sa faim : le conférencier a posé plus de questions qu'il n'a apporté de réponses. Le politologue a noté d'emblée un usage abusif des concepts politiques dans les déclarations publiques et les écrits journalistiques. Les termes «révolutions», «réformes», «printemps arabe», «changement», etc. sont utilisés à tort et à travers. «Il faut maîtriser les concepts. La non-maîtrise crée parfois des malentendus», a soutenu le conférencier. Se présentant en académicien, l'orateur a exposé toutes les étapes méthodologiques à respecter dans la production de toute analyse politique. Ainsi, en termes académiques, les réformes sont des objectifs précis à atteindre (à proche, moyen ou long termes), nécessitant une volonté politique pour leur élaboration au bon moment et un consensus le plus large possible (au sein du pouvoir, de la classe politique et parmi l'élite) pour leur réussite et la transparence la plus totale tout au long du processus de leur mise en œuvre, dans un contexte national et régional donné. Cette méthode ne peut s'appliquer dans la réalité parce que les réformes dont on parle actuellement n'ont aucun contenu connu. L'ancien secrétaire général de la présidence a renvoyé l'assistance au discours du président de la République prononcé le 15 avril dernier. Pour lui, le concept-clé de ce discours est «réformes en profondeur». En dehors de cette annonce, rien ne permet sur le plan académique de se prononcer sur la nature, les objectifs et la crédibilité de ces «réformes en profondeur». «Il faudra attendre les textes législatifs promis avant la fin de l'année pour pouvoir analyser», a soutenu l'enseignant. L'invité de «Mille et une News» a observé que ce qui s'était passé en Tunisie et en Egypte avait précipité «la volonté d'aller vers des réformes» dans d'autres pays qui s'adonnaient à une course en la matière. Même si le contexte régional et international est influent, rien n'exclut selon lui que les réformes annoncées en Algérie soient l'émanation d'une «lecture pragmatique des enjeux géopolitiques». L'orateur a noté également une absence d'un consensus sur la volonté du pouvoir d'aller vers des réformes. Rappelant qu'en Algérie, le pouvoir a toujours mené «des réformes encadrées et limitées dans le temps», comme c'est le cas lors du débat sur la charte nationale (mai 1976) et en 1989, M. Djerrad a jugé qu'il est à craindre qu'on s'achemine vers des réformes administratives «comme de par le passé». «Il faut être très prudent dans les prises de position et les jugements. Il faut ouvrir un débat le plus large possible sur ces réformes», a-t-il recommandé à l'assistance.