Les courants islamistes sont désormais les grands gagnants des révolutions arabes. Avec la victoire des islamistes en Tunisie, prochainement celle des Frères musulmans en Egypte et la décision prise par les nouveaux responsables libyens d'appliquer la charia, ces trois pays amorcent une rupture radicale avec les anciens systèmes politiques et risquent de créer de vrais problèmes avec la communauté internationale. Les pays européens ont déjà exprimé leur crainte et leur inquiétude et appellent au respect des droits de l'homme. Hier, la presse française s'est interrogée sur l'avenir de ces trois pays. En effet, la large avance des islamistes d'Ennadha en Tunisie et l'instauration de la charia en Libye, annoncée par les nouvelles autorités du pays, et prochainement en Egypte, inquiètent les Européens qui ont toujours soutenu l'élan démocratique dans le monde arabe. «Une fois de plus, une consultation électorale jugée libre et sans incidents, débouche, dans un pays arabe, sur une victoire indiscutable des islamistes», a souligné hier Le Figaro. Pour Libération, «la fin des dictatures du monde arabe risque d'installer l'islam politique au pouvoir», car, selon lui, «aspirer à la liberté ne suscite pas magiquement une société sécularisée». «Chacun voit bien le danger que peut représenter un groupe parlementaire islamiste tout-puissant» en Tunisie, même «si les responsables d'Ennahda ont pris soin de se désolidariser des récentes exactions de mouvements islamistes, comme les salafistes», souligne un éditorialiste de L'Humanité. Les médias français se demandent si le «printemps arabe n'a été que le prélude à un automne islamiste». Les journalistes français se demandent aussi d'ailleurs «si Nicolas Sarkozy et David Cameron ont été assez naïfs pour croire qu'une démocratie allait naître franco de port du largage des bombes alliées sur les troupes kadhafistes». Les Dernières Nouvelles d'Alsace estime que «aveuglés par la manne pétrolière à récupérer, ni Paris, ni Londres, ni Washington n'ont vraiment réfléchi sérieusement à l'après-Kadhafi». De hauts responsables français ont exprimé également leur inquiétude quant à la montée de l'islamisme. Le ministre des Affaires étrangères français Alain Juppé a déclaré lundi que la France sera «vigilante» au respect des «valeurs démocratiques» en Libye, après les propos du président du Conseil national de transition, Moustapha Abdeljalil, sur l'application de la chari'a dans son pays. «Nous serons vigilants pour que les valeurs que nous avons défendues aux côtés du peuple libyen soient respectées : l'alternance démocratique, le respect de la personne humaine, l'égalité des droits entre l'homme et la femme», a-t-il souligné. Le président du CNT, Moustapha Abdeljalil, a déclaré que la référence juridique sera la chari'a. Selon le chef de la diplomatie française, M. Juppé, «les printemps arabes sont un très grand espoir mais sont aussi porteurs de risques». La large avance des islamistes d'Ennadha aux premières élections libres en Tunisie constitue une donnée historique jusqu'à inquiéter les pays occidentaux. Depuis l'indépendance, les régimes de Bourguiba et de Ben Ali ont réprimé dans le sang les mouvements islamistes. Certains analystes expliquent d'ailleurs la fermeture du champ politique en Tunisie depuis plus de 60 ans à cause de la «menace islamiste». Mais, cette fois-ci, rien ne semble arrêter la machine islamiste pour la conquête du pouvoir. En Libye, la décision de recourir à la chari'a pour la gestion des affaires de la société et du pays demeure une surprise pour tous ceux qui ont cru à la révolution démocratique libyenne. L'application de la chari'a exclut de fait certains principes des droits de l'homme, dont on peut citer l'égalité hommes-femmes, l'abolition de la peine de mort et la laïcité. S'agissant de l'Egypte, la victoire des islamistes est inéluctable, alors qu'en Syrie, les islamistes de Homs guettent la moindre occasion pour prendre le pouvoir. Les observateurs de la vie politique ont été unanimes hier à souligner que le printemps arabe va permettre aux partis islamistes de remporter les élections. Cependant, ils craignent le salafisme qui risque de prendre en otage les libertés et minorités religieuses. Les attaques contre la télévision privée tunisienne Nessma TV, les salles de cinéma et les coptes en Egypte ont été parmi les exemples entretenant cette inquiétude. Les partis religieux laissent planer aussi le risque sur les questions internationales, dont l'avenir de la Palestine. La récupération de Jérusalem demeure le rêve caressé par tous les courants islamistes.