La question des droits de l'homme est devenue le fonds de commerce le plus politiquement rentable pour les dictatures arabes qui ont fait leurs preuves dans ce qu'il y a de plus condamnable dans ce domaine au regard du droit international moderne. Décapitations publiques des petits voleurs et coupables d'adultère au pays des pots-de-vin par milliards de dollars et du harem. C'est paradoxalement au Maroc, pays ciblé par les organisations humanitaires internationales pour les violations systématiques des droits de l'homme au Sahara Occidental, territoire non autonome qu'il occupe depuis 1975 au mépris du droit international, que ces monarchies ont choisi d'organiser la conférence des Ministres arabes des Affaires étrangères sur les atteintes aux droits de l'homme en Syrie. Une initiative qui n'aurait rien d'extraordinaire si l'ordre du jour ne portait pas précisément sur l'examen de cette controversée question des droits de l'homme par des dictatures éprouvées. Sur ce plan, le régime brutal syrien n'a rien à apprendre d'aucune de ces monarchies arabes. Or il se trouve que le pays organisateur de cette réunion ministérielle de la Ligue arabe, le Maroc, n'a pas fini de faire le ménage dans les viviers du Mouvement du 20 février, par la violence puis par le verrouillage constitutionnel pour mettre l'institution royale hors de portée des revendications populaires exigeant un changement de système politique. La nouvelle mission atlantiste du CCG Les pays qui ont convoqué cette réunion sont encore plus virulents que le royaume alaouite lorsqu'il s'agit de préserver l'ordre féodal les quatre saisons que Dieu fait. L'Arabie saoudite a fait renter ses troupes blindées dans le seul pays du Golfe, Bahrein, atteint par la contagion tunisienne. Les pays de l'Otan ont approuvé, pendant que leurs troupes, pour ces mêmes motifs, rasaient la Libye et menacent d'en faire de même avec la Syrie. L'objectif non encore déclaré des monarchies absolutistes arabes consiste à procéder par étapes, depuis la première réunion du Caire sur la Libye au printemps dernier. L étape de Rabat consiste à consolider la mise en quarantaine diplomatique de la Syrie, dictée par l'Otan qui en a fini avec le régime de Kadhafi et attend d'obtenir le feu vert de l'ONU pour engager deux nouvelles guerres en Iran, par Israël interposé, et directement en Syrie. Les «alliés» procèdent à l élargissement du centre de décision arabe qu'est devenu le Golfe. Le Royaume du Maroc est depuis peu, membre de plein de plein droit du Conseil de Coopération du Golfe, une organisation régionale à la fois économique, commerciale et militaire. Le champ d'action de ce Conseil, prolongement régional de l'alliance atlantique, se situe désormais en Atlantique. Cette jonction géostratégique Otan-CCG aura pour mission d'encadrer le nouveau Grand Proche-Orient inspiré par l'ex président américain George Bush. Le travail est en cours. Procéder par étapes La protection des droits de l'homme est le thème-alibi privilégié qui sert à crédibiliser le rôle qui est dévolu par l'Otan aux monarchies arabes. A la demande des puissances occidentales, la Ligue a pour tâche, pour le moment, de confirmer l'expulsion de la Syrie de ses rangs. Soumis à toutes les pressions, le gouvernement syrien a tenté quelques gestes d'apaisement mais il était improbable que la libération de 1.180 prisonniers suffise à changer de position à la Ligue arabe, les instructions des occidentaux étant de ne laisser aucune porte de sortie au président Bachar El Assad. Comme ils l'ont pour Kadhafi jusqu'à lui réserver le tragique une fin qui entrera dans les annales sur les crimes de guerre les plus barbares des temps modernes A la veille de la réunion des MAE à Rabat, les monarchies du Golfe, le Qatar en tête, n'avaient aucune difficulté à convaincre la majorité des Etats arabes de se prononcer, une nouvelle fois, en faveur d'une sanction lourde politiquement contre Damas, qui prendrait inévitablement une dimension miliaire, le moment venu. Quelques rares pays arabes résistent à ce nouveau leadership du Golfe au Maghreb et au Moyen-Orient. Des réticences Le Liban « voisin », l'Irak dont une partie de son pétrole transit par la Syrie et le Yémen où Abdallah Saleh a eu la main aussi dure contre l'opposition que le Bachar le Assad, résistent L'Algérie qui n'a pas marché dans le complot contre la Libye, bien que feu Kadhafi ne fut pas le meilleur des voisins, ne veut pas se laisser complexer par les nouvelles règles imposées à la Ligue arabe par les barons du pétrole qui investissent à coup de milliards de dollars dans les médias, dans la diplomatie et dans les droits de l'homme. Hors du marché local bien sûr.