Une cérémonie commémorative a été organisée du 12 au 14 janvier dernier à Tiaret par l'association Machaal Chahid en hommage au martyr Aâda Si Dahmani, dit Si Athmani, natif de la région. Un riche programme a été présenté à cette occasion avec conférences, visites de sites et galas artistiques. L'hommage a débuté par l'intervention des historiens qui ont relaté les circonstances dans lesquelles a été tué Si Athmane, avant de revenir sur le parcours de ce combattant. «La ville de Tiaret est connue pour ses activités culturelles orientées vers la sauvegarde du patrimoine matériel et immatériel», dira l'historien Amar Belkhodja, qui a fait savoir que Si Athmane, né le 26 avril 1926, était le seul garçon de sa famille. En 1940, il a obtenu son brevet d'études et rejoint le MTLD ; il créera un groupe de militants dont faisait partie Ali Guéton, Ali Khoudja, Nacer Boucharba et Abdalah Aarbaoui pour combattre les forces coloniales. Si Athmane s'engagea par la suite dans le corps de l'Armée de Libération nationale en 1954 et fut nommé responsable de la région de Tiaret. Ses prouesses dans l'organisation d'attentats et d'embuscades portaient de plus en plus de coups à l'armée française, et sa tête fut mise à prix. En 1958, l'armée française arrêta la famille de Si Athmane pour faire pression sur lui, mais il resta de marbre face à cette situation, convaincu de la noblesse du combat qu'il menait. Il a été arrêté en 1959 au niveau d'une grotte à 30 km de Tiaret où il traçait avec ses compagnons des stratégies de lutte armée. Des témoins présents lors de l'embuscade racontent que Si Athmane a fait preuve d'un courage remarquable en refusant de se rendre si le traité de Genève n'était pas respecté et si ses compagnons blessés n'étaient pas soignés. Il fut jugé dans plusieurs villes du pays pour plusieurs affaires d'attentats et d'atteintes à l'«ordre établi. Dans les différents tribunaux du pays, il a été condamné à la peine capitale et à l'exécution sans recours. Durant son incarcération à Tiaret, il s'insurgea contre les conditions inhumaines dans lesquelles étaient détenus les prisonniers de guerre qui subissaient des humiliations continues. Il rédigea une série de revendications pour protéger les prisonniers de la maladie, de la malnutrition et de l'inhumanité des agents. En 1962, Si Athmane ainsi que deux de ces compagnons furent enlevés de la prison pour être emmenés dans un village éloigné de Tiaret, torturés et brûlés vifs par l'OAS, lors d'une mission orchestrée par ce groupe armé. A la fin de la commémoration d'hier, des médailles ont été remises à la famille du martyr et à Ali Belkhodja pour son travail de mémoire. La fille de Si Athmani, très émue en recevant la médaille, déclara «être fière d'être la fille d'un héros connu de tous et regrette de ne l'avoir connu qu'à travers ce qui est relaté et sur de simples photos». Le devoir d'écrire l'histoire du pays Des martyrs de l'envergure de Si Athmane sont légion, mais il est très rare de trouver leurs noms dans les livres d'histoire, car un travail de mémoire n'a pas été accompli dans ce sens, déplore Amar Belkhodja. «50 années après les faits, on a toujours pas d'historiens compétents pour les exhumer», a-t-il relevé. Les écrits disponibles sont loin de révéler tous les faits de guerre, et des pans de l'histoire ont été omis. Il existe beaucoup de pages blanches et les historiens préconisent de dépoussiérer les évènements qu'a connus l'Algérie jusqu'à l'indépendance, pour lui restituer sa véritable identité dont le peuple a besoin pour construire sa mémoire. M. Belkhodja interpelle ainsi les autorités publiques pour que l'histoire soit écrite par des personnes averties qui restituent leur histoire aux Algériens. «Nous avons pris beaucoup de retard en matière d'écrits et cela est imputable à l'absence de professionnels aptes à rendre compte de ce qui s'est passé objectivement», regrette M. Belkhoudja. Au début du 20e siècle, certains historiens ont émergé, tels que Mobarek El Mili, Mahfoud Kedach… mais la relève n'a pas été assurée. «La faille subsiste dans le système éducatif qui n'assure pas correctement son travail», explique l'historien. Effectivement, les programmes scolaire et universitaire accusent beaucoup de lacunes étant donné que l'histoire n'est enseignée qu'à partir de la guerre d'indépendance, omettant volontairement de parler des époques romaine, vandale, byzantine… et bien entendu de la Numidie. Par ailleurs, on ne trouve dans les annales scolaires qu'une toute petite partie de la Révolution algérienne. M. Belkhoudja tire la sonnette d'alarme en disant que le temps presse car les survivants de la guerre de Libération ne sont pas éternels.