Constat - On enregistre un besoin pressant – pareil à une boulimie – d'écrire sur notre histoire. Quel rapport a-t-on avec l'histoire ? Vague et évasif. Les nouvelles générations ont une connaissance lacunaire, décousue, presque erronée de leur propre histoire et cela est dû à la politique menée, ambiante. Jusqu'aux années 2000, les travaux sur l'histoire de l'Algérie, notamment celle concernant la période coloniale, et, par extension, la Guerre de Libération nationale étaient balisés, orientés. Il y avait très peu d'ouvrages sur notre mémoire collective. Mais avec l'ouverture – et avec en conséquence la démocratisation – du champ de l'édition – celui-ci n'est plus sujet au monopole étatique – de nombreuses références à notre histoire sont, chaque année, publiées. Il y a même des maisons d'édition, à l'instar de Chihab, de Casbah Edition ou encore de Alpha Edition, qui ont créé des collections portant sur l'histoire de l'Algérie. Avec l'avènement des années 2000, l'on peut enregistrer un besoin pressant – pareil à une boulimie – d'écrire sur notre histoire. C'est ainsi que, à titre d'exemple, Amar Belkhodja se passionne pour l'histoire de l'Algérie. «Je tiens cette passion du fait que j'ai exercé pendant 25 années au quotidien El Moudjahid et pendant cette longue carrière, je me suis passionné pour l'histoire», explique-t-il, et d'ajouter : «Dans mes écrits, je me suis spécialisé, en quelque sorte, dans l'enquête et le reportage sur l'histoire de l'Algérie, c'est grâce à mon métier de journaliste que je me suis investi dans l'investigation et je traite des dossiers qui sont soit totalement méconnus soit insuffisamment exploités par les chercheurs en histoire.» Amar Belkhodja, qui a à son actif plusieurs ouvrages, dont Colonialisme, les crimes impunis ; L'Emir Abdelkader, ni sultan ni imam; Mouvement national, des hommes et des repères…, s'indigne du fait que les nouvelles générations ignorent presque tout de leur passé. «On totalise 50 ans d'indépendance, et on ignore un grand pan de notre histoire, celle qui concerne le nationalisme algérien», regrette-t-il, et d'insister : «Il faut meubler la mémoire collective. Dans chacun de mes écrits, je m'insurge contre l'oubli.» Amar Belkhodja appelle à exhumer l'histoire de l'Algérie, à s'y investir en faisant un travail de recherche pour réhabiliter et reconnaître les situations historiques et ses acteurs. «Il y a tant et tant de dossiers qui restent enfouis dans l'oubli et une seule plume ne suffit pas à les exhumer. Aujourd'hui, après 50 années d'indépendance, l'université algérienne devrait – et il était de son devoir – de former des historiens et historiennes professionnels.» Et de s'interroger : «Pourquoi il n'y a pas ce besoin de se former dans la recherche et la publication pour combler ce vide effarant ?» Quant à la question de savoir pourquoi la société algérienne a été frappée d'amnésie, Amar Belkhodja, qui se consacre dans ses écrits au nationalisme algérien, répondra : «Les systèmes politiques qui se sont succédé chez nous depuis l'indépendance ont tout fait pour que l'école, ou l'université, algérienne ne soit pas proche de l'histoire, ne cultive pas cet amour pour l'histoire du pays. Il n'y a pas un engagement dans l'investigation historique.» Ainsi, Amar Belkhodja insiste sur la nécessité de stimuler ce besoin de former des historiens et historiennes dans la recherche et la publication afin de combler ce vide effarant. «Il faut que le discours politique change». Et d'abonder : «L'ennemi du mensonge est l'histoire. Il n'est pas difficile de dire la vérité à nos jeunes. Il ne faut pas avoir peur de notre histoire.» Quant à savoir si la société algérienne est en train de se réconcilier avec son histoire, Amar Belkhodja dira : «Il y a des prises de conscience individuelles. Les gens commencent à souffler, à écrire leurs mémoires. Mais l'Etat doit avoir un engagement politique : former des générations d'historiens. Il faut miser sur la jeunesse. Il faut susciter les consciences, les volontés d'apprendre et l'amour du livre.» «Il y a eu cette rupture entre les jeunes et le livre, il y a une paresse intellectuelle», se désole-t-il.