N'entre pas en Israël qui veut ! Mohamed Merah, alors âgé de 22 ans, y est allé sans problème. Incroyable mais vrai. En effet, un «officier supérieur américain» en poste à Kandahar (Afghanistan) où Merah a été arrêté en novembre 2010 a révélé au quotidien Le Monde (1) que des tampons d'entrée en Israël, en Syrie, en Irak et en Jordanie figurent sur son passeport. De source policière «très bien renseignée», le site israélien francophone JSSNews précise qu'il a atterri à l'aéroport Ben Gourion de Tel-Aviv où, après des «contrôles de sécurité d'intensité normale, il a reçu un visa de tourisme dans l'Etat juif pour une période de 3 mois» (2). Questions : comment Mohamed Merah a-t-il pu passer les contrôles israéliens ? Qu'allait-il faire en Israël où il ne serait resté que «quelques jours» (3) ? Comment, ensuite, a-t-il pu entrer en Syrie avec un visa israélien sur son passeport ? Interrogatoires abusifs A moins d'être reconnu comme étant de religion juive, il faut savoir que les visas de tourisme israéliens ne sont délivrés aux Français qu'après avoir subi un interrogatoire serré aux aéroports de départ ou d'arrivée. A Roissy, des agents du Mossad, suspicieux, interrogent longuement les voyageurs, parfois pendant près d'une heure. Porter un nom musulman est rédhibitoire. Les militants de la cause palestinienne ou des droits de l'homme sont, la plupart du temps, refoulés ! Les policiers demandent la raison du voyage en Israël, qui l'on y connaît : noms et adresses. A la question : «Transportez-vous des armes, un couteau, de la drogue ?», le moindre tremblement dans la voix est noté. Des passagers ont droit au contrôle de leur boîte à mails, et à des questions sur leurs contacts. D'autres doivent justifier de virements bancaires. Au moindre soupçon, l'entrée peut être refusée. A l'arrivée à Tel-Aviv, rebelote… et gare si une réponse diffère un tant soit peu de celle faite à l'aéroport de départ. Après la frontière, suivant l'intérêt que porte le Mossad au touriste, un visiteur voyageant seul doit s'attendre à être suivi, à subir des contrôles inopinés, à avoir ses bagages discrètement fouillés à son hôtel. Certains militants pro-palestiniens que l'on a laissé entrer volontairement se sont retrouvés avec de la drogue ou une arme dans leur valise. Pour eux, le marché est le suivant : collaborer ou être incarcéré. Selon Bernard Squarcini, chef de la DCRI (ex-DST), Mohamed Merah a été brièvement interpellé à Jérusalem «porteur d'un canif», puis relâché. Arrêté quelques mois plus tard en Afghanistan pour «infraction au code de la route», il sera renvoyé en France après une dizaine de jours passés dans une prison américaine. Il figurait depuis sur la «no-fly list» étasunienne. En 2011, Merah s'entraînera au Pakistan, dans la zone tribale du Waziristan, repaire d'apprentis djihadistes… et d'espions. Mystérieux visas De nombreux pays arabes refusent l'entrée aux visiteurs ayant un visa israélien sur leur passeport. C'est le cas de la Syrie et du Liban. La Jordanie et l'Egypte qui entretiennent des relations diplomatiques avec Israël les acceptent, l'Irak aussi depuis 2003, mais sans le reconnaître. Après son séjour en Israël, Mohamed Merah pouvait se rendre en Jordanie, par le pont Allenby qui enjambe le Jourdain, et peut-être ensuite en Irak, mais en Syrie certainement pas. Il lui aurait fallu passer par Chypre et avoir un passeport arabe, ce qui n'était pas le cas. Sur ce point, les déclarations de l'«officier supérieur américain» et de Bernard Squarcini ne tiennent pas bien la route. D'autres pistes sont à suivre, moins convenues. Gilles Munier ---------------- (1) Mohamed Merah, un membre actif de la mouvance djihadiste internationale (Le Monde - 23/3/12) (2) Mohamed Merah a-t-il voulu se faire exploser en Israël ? (JSS news - 25/3/12)