Le patron du contre-espionnage français a affirmé vendredi dans une interview au journal Le Monde qu'il aurait été «impossible » de retrouver plus vite Mohamed Merah, le jihadiste français abattu jeudi à Toulouse par la police après avoir tué sept personnes. «Nous nous posons forcément la question: est-ce qu'on aurait pu faire différemment? Est-ce qu'on a raté quelque chose? Est-ce qu'on a été assez vite? Mais il était impossible de dire dimanche soir: +C'est Merah, il faut aller l'attraper+ », a déclaré Bernard Squarcini, le patron de la Direction centrale du renseignement intérieur (DCRI), le contre-espionnage français. Mohamed Merah, un Français d'origine algérienne de 23 ans, «n'avait d'ailleurs pas prévu d'attaquer l'école juive lundi matin », a déclaré M. Squarcini en référence à l'école de Toulouse où Merah a abattu froidement trois enfants et un professeur de religion. Le 11 et le 15 mars, il avait abattu en pleine rue trois soldats d'origine maghrébine et blessé grièvement un quatrième. «Selon ses déclarations lors du siège par le Raid (l'unité d'élite de la police), il voulait tuer un autre militaire, mais il est arrivé trop tard. Et comme il connaît bien le quartier, il a improvisé et a attaqué le collège-lycée », affirme M. Squarcini. Le contre-espionnage essuie les critiques d'une partie de la classe politique dans sa gestion de l'affaire Merah et notamment des «failles » dans le suivi du tueur à son retour d'Afghanistan et du Pakistan. Les services secrets avaient surveillé le tueur en série après ses séjours de 2010 et 2011 sans déceler une dangerosité nécessitant une surveillance appuyée comme elle le fait régulièrement avec d'autres apprentis jihadistes ou réseaux. En novembre 2010, Mohamed Merah se rend en Afghanistan via le Tadjikistan. Selon M. Squarcini, il est arrêté à Kandahar, le berceau des talibans, par la police afghane qui le remet à l'armée américaine qui le met dans un avion pour Kaboul, puis retour en France le 5 décembre. «Nous faisons une enquête pour voir ce qu'il vaut. Mais il n'y a rien. Pas d'activisme idéologique, pas de fréquentation de la mosquée », a encore dit le numéro 1 du Renseignement intérieur. Avant l'Afghanistan, il s'est rendu en Turquie, Syrie, Liban, Jordanie, Israël et en Egypte, au Caire. Lorsque le contre-espionnage veut l'interroger un an plus tard en novembre 2011, Merah appelle le contre-espionnage et dit qu'il ne peut pas se présenter, qu'il est au Pakistan. Il est interrogé à son retour en France et «fait preuve d'une excellente coopération, d'éducation, et de courtoisie », selon le patron de la DCRI. «Il explique en photos tout le parcours touristique qu'il a réalisé au Proche-Orient, en Afghanistan et au Pakistan ». Interrogé sur les inquiétudes qu'un tel voyage aurait pu susciter, M. Squarcini se défend: «Il n'est resté que deux mois au Pakistan. Il dit alors que c'était pour chercher une épouse (...) Mais à l'époque, ni les services pakistanais, ni les Américains, ni la DGSE (le renseignement extérieur français) ne nous ont alertés ». A son retour en France, le contre-espionnage l'inscrit néanmoins «au fichier des personnes recherchées pour être informé en cas de contrôle et de déplacements ». Comment expliquer, demande Le Monde, que quelqu'un jugé inoffensif en novembre devient un tueur potentiel en mars: « C'est quelque chose d'atypique, d'irrationnel et de violent. Mohamed Merah, c'est quelqu'un qui a un comportement violent dès sa petite enfance, qu'on ne peut rattacher à aucune typologie ».