A coups de répression, de pillages, d'atteintes aux droits de l'homme les plus élémentaires, d'agressions, de vols et d'autres crimes, Al Qaïda au Maghreb islamique (Aqmi) et le Mouvement pour l'unicité et le djihad en Afrique de l'Ouest (Mujao) ont réussi à faire l'unanimité parmi les populations du nord du Mali qui, aujourd'hui, ont décidé de briser le mur de la peur et exprimer leur rejet des deux organisations terroristes. La résistance s'organise face aux armes libyennes et celles venues d'ailleurs, dont sont équipées par les deux organisations. Les premiers signes d'opposition aux terroristes sont apparus avec des manifestations spontanées qui ont eu lieu les 14 et 15 mai 2012 à Gao et certaines régions limitrophes pour dénoncer la présence des terroristes sur le territoire malien. Par ces manifestations, les populations qui défiaient l'Aqmi et le Mujao à mains nues ont adressé un message très clair, celui de casser la «phobie terroriste». Une résistance face au diktat terroriste qui a empêché depuis plus de deux décennies les populations isolées à dire non au terrorisme, et a privilégié davantage les activités narcoterroristes au Sahel (prises d'otages, crime organisé, contrebande, trafic d'armes et de drogues). Les populations locales, de Kidal, de Gao et de Tombouctou, les trois principales villes du nord du Mali, dont une bonne partie est tombée entre les mains de l' AQMi et du Mujao (auteur de l'enlèvement le 5 avril 2012 de sept diplomates algériens) savent très bien que les deux organisations terroristes tissent des liens très étroits avec des narcotrafiquants et trafiquants d'armes. Le «printemps arabe» et le partage des «butins de guerre» Au soulèvement populaire au nord du Mali contre l'Aqmi et le Mujao qui infestent cette partie du pays, s'ajoute une autre donne. Celle des dissidences internes aux organisations de Abdelmalek Droukdel, alias Abou Mossaâb Abdelouadoud, et Hamada Ould Mohamed Kheirou, respectivement «émirs» de l'Aqmi et du Mujao. Les dissidences ont lieu entre les différents groupes terroristes sévissant au nord du Mali en raison des désaccords survenus à propos du partage des «butins de guerre» et des «postes stratégiques» au sein de la chefferie de l'Aqmi, effectivement. Pas seulement, puisque c'est au tour des rebelles touaregs et du groupe Ansar Eddine d'annoncer la couleur, en déclarant leur rivalité profonde aux terroristes de l'Aqmi. Si le MNLA a affiché dès les événements d'Aguelhok des revendications séparatistes, Ançar Edine a, de son côté, insisté sur l'instauration d'un Etat théocratique au Mali, mais pas terroriste. Le groupe a tenté de récupérer les foules en bénéficiant de la montée en puissance du courant islamiste en Afrique, à la lumière de ce qui est appelé communément «le Printemps arabe». Le point commun entre ces deux acteurs dans la scène malienne, c'est le refus du ralliement à AQMI et l'opposition catégorique à l'occidentalisation de la cause. Un sérieux revers pour l'Aqmi et le Mujao rejetés par les populations locales, les rebelles touaregs et le mouvement Ançar Edine dirigé par Iyad Ag Ghaly. «Assassins et criminels» Sur le terrain, les terroristes semblent de plus en plus isolés. De nombreuses raisons tendent à cette conclusion. Bien qu'ils aient profité des événements survenus en Libye en mettant la main sur des lots conséquents d'armement, la situation a connu récemment un bouleversement surprenant, qui est en défaveur de l'action terroriste, au nord du Mali effectivement. Il s'agit de la constitution d'un premier «noyau populaire» d'opposition au terrorisme. C'est une démarche inédite qu'a connue Gao, alors que les terroristes ne cessent de parler de la victoire et de la maîtrise du terrain, dans le cadre d'une propagande aussi creuse que mensongère. Des «responsables» de l' AQMi et du Mujao avaient, effectivement, annoncé être «bien accueillis» par les populations. Mieux, les deux organisations terroristes ont ajouté, à qui veut bien les croire, que les populations les supplient de ne pas quitter les lieux. Le mensonge est si grotesque que les populations sont sorties, bravant le danger, pour exprimer le rejet de la présence des deux nébuleuses dans leur pays. Un démenti dont l'Aqmi et le Mujao ne voulaient pas. Les deux organisations terroristes l'ont fait comprendre avec le langage de la violence. Ainsi, au moins six personnes ont été blessées, le 14 mai 2012, dont une par balle, pendant la première manifestation de colère à Gao contre les groupes armés contrôlant depuis fin mars cette ville du nord-est du Mali. La manifestation avait débuté timidement lundi en milieu de journée, avant de prendre de l'ampleur dans l'après-midi, note-t-on. Des centaines d'habitants protestant notamment contre la présence des groupes armés dans les villages sont sortis dans la rue crier leur colère et demandant aux terroristes de quitter les lieux. Réagissant aux événements, le maire de Gao, Sadou Diallo, a qualifié les groupes terroristes, notamment le Mujao et l'Aqmi, d'assassins et de criminels. La résistance populaire au terrorisme dans le nord du Mali rappelle la combativité dont a fait preuve le peuple algérien face au groupe islamiste armé (GIA) dans les années 1990. Une résistance qui a fini par payer et battre l'organisation terroriste.