L'Office des Nations unies contre la drogue et le crime (ONUDC) a classé le Maroc parmi les plus gros producteurs de résine de cannabis. D'après l'Organe international de contrôle des stupéfiants (OICS), la surface cultivable en résine de cannabis au Maroc a été estimée à 47 500 hectares en 2010 (chiffre fourni par les autorités marocaines), contre 134 000 hectares en 2003. La production est «destinée principalement pour les marchés de l'Afrique du Nord et de l'Europe occidentale et centrale». Aussi, le port de Tanger a été considéré par les experts internationaux de la lutte contre le trafic des stupéfiants comme le passage privilégié pour le transit d'une grande partie de la drogue vers le continent européen. A titre d'exemple, 8,94 tonnes de résine de cannabis ont été saisies à bord d'un camion de Transit international routier (TIR) au port de Tanger Med (nord du Maroc), avait-on annoncé de source locale. La drogue, sous forme de boulettes de taille moyenne, était dissimulée à l'intérieur d'une cargaison de melon à bord d'un camion qui devait embarquer pour la France. La marchandise était en provenance de la région d'Agadir (sud), a précisé un officier de la police spéciale du port. Il a ajouté que le contrôle par scanner du véhicule appartenant à un Espagnol, a suscité des soupçons de la brigade conjointe de la police et de la douane, qui a procédé par la suite à une fouille minutieuse permettant de découvrir cette grande quantité de drogue cachée de manière originale et inhabituelle. Selon les autorités marocaines, une lutte acharnée contre le trafic des stupéfiants est menée dans le nord-est du Royaume où la culture des plants de kif (haschich) a été ramenée de 130 000 à 56 000 hectares. Cependant, les trafiquants bénéficient de complicité qui leur permet de déployer de nouvelles stratégies à chaque saisie. A titre d'exemple, au cours du mois d'avril 2012, onze gendarmes ont été poursuivis pour trafic de drogue et immigration clandestine. Il s'agissait, selon le ministère de l'Intérieur marocain, d'un commandant, de neuf gradés et d'un gendarme. Tous «entretenaient des contacts récurrents avec des réseaux de narcotrafic et des filières dédiées à la migration clandestine», selon cette source. De plus, deux militaires en poste à Smara avaient été arrêtés pour trafic de drogue, par la gendarmerie royale dans la région d'Agadir au cours du mois de mai. Les soldats détenaient 20 kilos de drogue découverte grâce à des chiens renifleurs, lors d'un barrage fixe de la gendarmerie royale. De nombreuses saisies aux quatre coins du Maroc Tout au long de l'année, des saisies ont été annoncées et rien que pour la journée de samedi dernier, les arrestations se sont multipliées. Ainsi, les éléments de la brigade conjointe de la police et de la douane ont arrêté à Bab Sebta un Marocain en possession de 14 kg de résine de cannabis, a-t-on appris de source douanière. La drogue était dissimulée dans une voiture immatriculée au Maroc. Le mis en cause, âgé de 20 ans, a été remis à la police judiciaire pour complément d'enquête et son véhicule saisi. Le même jour, à Casablanca, les services des douanes au port ont saisi plus de 5,760 tonnes de cannabis, dans un camion en partance pour la Belgique. Les trafiquants avaient utilisé un procédé semblable aux poupées russes. Il consistait à dissimuler la drogue dans 526 plaques de plus de dix kilogrammes chacune, dissimulée elles-mêmes dans une cargaison de sachets en papier d'emballage logés dans 1240 cartons, a précisé à l'agence de presse marocaine MAP, Driche Abdallah, sous-directeur des douanes de Casa port. Et d'ajouter : «Le transitaire avait déclaré une cargaison de 12,4 tonnes nette d'une valeur de 28 272 euros, mais des soupçons sont apparus lors du passage au scanner poussant les douaniers à opérer une «visite physique intégrale» de la cargaison du camion pour découvrir la drogue. «C'est la première saisie de drogue au dit port en 2012», souligne-t-il. Par ailleurs, vendredi, une quantité de 1,223 kg de résine de cannabis a été saisie à Oujda par la gendarmerie marocaine, a-t-on indiqué de source locale. La saisie a été effectuée à vingt kilomètres à l'ouest de la ville, sur l'autoroute Oujda-Rabat, à bord d'un véhicule qui portait de fausses plaques d'immatriculation, a-t-on précisé de même source ajoutant que le conducteur avait été arrêté. Il s'agit de la seconde saisie d'importance en moins d'une semaine. En outre, au cours de ces derniers mois, de nombreuses saisies ont été opérées. Ainsi, en février dernier, la gendarmerie marocaine avait saisi 11,790 tonnes de cannabis, à bord d'un camion frigorifique sur l'autoroute entre Rabat et Casablanca. En décembre dernier, elle a saisi à Sidi Allal El Bahraoui 2,2 tonnes de chira dissimulées dans un camion semi-remorque. Le 29 novembre dernier, une quantité de plus de 2 138 kilogrammes de kif avait été retrouvée dans un conteneur. La drogue était dissimulée dans des carreaux de faux marbres empilés dans des carreaux de vrai marbre. Les dimensions entre les différents carreaux sur la même palette avaient attiré l'attention des agents de contrôle qui ont pu confirmer leurs soupçons au passage du scanner. Aussi, en octobre, la police marocaine avait saisi 1,757 tonnes de résine de cannabis sur une plage près de Tanger. A chaque fois, les trafiquants semblent prendre une longueur d'avance en multipliant les procédés de dissimulation. L'Europe, principale cible La Garde civile espagnole a arrêté 1595 trafiquants de drogue d'origine marocaine en 2011 lors de 148 687 opérations policières ayant permis la saisie de 320 tonnes de drogue. Viennent ensuite les Colombiens avec 429 interpellations. D'après ces chiffres officiels, les Marocains sont en tête des étrangers arrêtés dans des affaires de drogue en Espagne. Ainsi, pour faire face au trafic de drogue, l'Espagne utilise des avions de combat Eurofighter permettant la surveillance de l'espace aérien et les côtes des deux pays. Ces patrouilles aériennes organisées en collaboration avec le Maroc, ont l'autorisation de se rendre jusqu'aux bases arrière des trafiquants de drogue dans le Rif. En outre, fin décembre, la police espagnole avait démantelé un réseau international de narcotrafiquants qui distribuait du haschich marocain en Europe, depuis Barcelone. Les services français de répression du trafic de drogue ont quant à eux saisi plus de neuf tonnes de cannabis depuis le début de l'année 2012. Ce trafic, passant essentiellement par le Maroc et l'Espagne, rapporte plusieurs centaines de millions d'euros aux narcotrafiquants chaque année, selon cette source. Les services français opèrent eux aussi en collaboration avec le Maroc, sans lequel les actions menées ne peuvent avoir les effets escomptés. Les saisies opérées jusqu'ici révèlent que l'on est passé de prises évaluées en quintaux à des confiscations mesurées en tonnes, ce qui démontre la progression du trafic malgré les efforts que consent chacun des acteurs de la lutte antidrogue. A chaque fois, les trafiquants usent de tous les stratagèmes et tous les moyens de transport dont les go fast réputés pour contrer les services de sécurité des pays concernés par la lutte contre le cannabis. Aussi, chaque saisie met en exergue l'ingéniosité des narcotrafiquants pour dissimuler leur drogue et ce, grâce à des complicités dont le niveau n'est pas encore établi. Le contexte socioéconomique, la pauvreté, pousse de nombreux marocains à s'adonner à la culture du cannabis, chira, kif. Nombreuses sont les dénominations de cette drogue qui génère des revenus importants et dont les effets sur la santé, bien que certains lui voient des effets thérapeutiques, sont désastreuses. Les ramifications internationales font du Maroc la principale plateforme de production, même si ce pays collabore avec les services européens, et que des programmes de destruction de champs ont été mis en place en vue de trouver une alternative à la culture de cannabis. Nous ne pouvons que nous demander si les recettes générées par le trafic n'influencent pas le pays à garder des champs en vue de contenter les paysans pauvres de la vallée du Rif !