La dépénalisation de l'acte de gestion se replace de nouveau sous les feux de la rampe. Le P-DG du groupe Sonelgaz avait crié mercredi dernier son désarroi en évoquant les pressions subies par les cadres de son entreprise, souvent exposés à des poursuites judiciaires compromettantes pour leur carrière. Cela s'est passé mercredi dernier au cours d'une conférence de presse animée par Nouredine Bouterfa qui s'était emporté contre le fait que la législation algérienne, notamment le code des Douanes, qu'il a qualifié de «désuet», pénalise au sens judiciaire du terme les actions entreprises par les responsables de Sonelgaz. Le PDG de Sonelgaz a, en outre, argué ses propos en citant la peine d'une année de prison ferme à l'encontre d'un responsable de l'une des filiales du groupe incriminé «à tort», dans une affaire de surfacturation de marchandises. L'acte de gestion n'a-t-il pas été dépénalisé en vertu d'une décision du président Bouteflika remontant à l'année écoulée ? La réponse à cette question se trouve dans l'intervention de l'éminent avocat Miloud Brahimi, qui a souligné, jeudi sur les ondes de la Chaîne III de la Radio nationale, que «la décision de dépénaliser l'acte de gestion n'a pas été appliquée». Me Brahimi est bien placé pour se rendre à l'évidence d'une telle défaillance s'inscrivant à contrario d'une recommandation notifiée par le président de la République lui-même. Et pour cause, cet avocat faisait partie de la commission qui «devait justement plancher sur l'abrogation des articles contenus dans le code pénal et renvoyant à la pénalisation de l'acte de gestion. Le constat établi par Me Brahim au sujet du travail effectué par cette commission est déplorable à plus d'un titre. «Les personnes ou les structures qui ont été chargés d'appliquer la décision du président de la République ont complètement failli. Résultat des courses, contrairement à ce qui a été annoncé, demandé et exigé par la président, l'acte de gestion n'a pas été dépénalisé», a-t-il déploré, cité par l'APS. Pis encore, «non seulement la décision du président Bouteflika n'a pas été appliquée, mais les quelques réformes appliquées se sont révélées pires», a-t-il ajouté, soulignant que parmi les raisons ayant empêché d'aller vers la dépénalisation de l'acte de gestion, comme exigé par le chef de l'Etat, il est question à la fois de «l'incompréhension, l'incompétence, la bureaucratie et des problèmes de rédaction de texte». L'invité de la radio avait insisté en outre sur la nécessité de mettre fin à «la pression et à l'acharnement judiciaire empêchant les cadres gestionnaires de prendre la moindre initiative, aux dépens de l'économie nationale». Et d'ajouter : «On ne fait pas avancer l'économie nationale en terrorisant les cadres de la nation, parce que c'est de cela qu'il s'agit. Ils sont latéralement terrorisés. Ils ont peur de prendre des responsabilités et des initiatives. Je vois mal comment faire fonctionner l'économie nationale avec des cadres terrorisés», a-t-il plaidé Bouche cousue et poings liés ! Les propos de Me Brahimi ont été confortés par certains cadres gestionnaires au sein d'entreprises publiques que nous avons pu contacter hier. Ces derniers sont tellement hantés par cette question de dépénalisation de gestion, qu'ils ont très vite requis l'anonymat avant de s'exprimer sur le sujet. «On a pris acte avec joie de la décision du chef de l'Etat de dépénaliser l'acte de gestion, seulement on s'est rendu compte qu'il s'agit d'une utopie, tant les procès intentés contre les cadres de différentes sociétés publiques sont toujours d'actualité», nous dira un cadre d'une entreprise spécialisée dans le bâtiment. «On a toujours les mains liées, vu que nos initiatives sont toujours soumises au strict respect d'une législation souvent dépassée et non adéquate avec nos préoccupations actuelles», renchérit un autre gestionnaire. Un responsable de Sonelgaz affirme, quant à lui, que «tout ce qui est dit et écrit sur la dépénalisation de l'acte de gestion est un leurre. Les gestionnaires sont tenus au strict respect des clauses de la loi, sinon c'est la prison». De son côté, Me Brahimi rappellera au cours de son intervention que «la pénalisation de l'acte de gestion est un acte éminemment politique. Sa dépénalisation devrait être également politique».