Le président de la section pénale près le tribunal d'Annaba entamera aujourd'hui le procès «Algérie Télécom», ayant trait à l'attribution suspecte de centaines de lignes téléphoniques de type GSM concédées à des personnes fictives, et qui auraient eu lieu durant l'année 2004, c'est-à-dire au moment où la gestion des lignes téléphoniques de type GSM était confiée à Algérie Télécom. Plus d'une dizaine de personnes se présenteront à la barre dont l'ex-PDG d'Algérie Télécom, Slimane Kheireddine, déjà condamné pour trafic de marchés publics, Boukhatem Soltani, l'ex-directeur territorial d'Annaba et actuel directeur régional de Mobilis, Doghmane Khemis, l'ex-directeur opérationnel parti en retraite, Chaouch Abdellah, l'ex-chef de centre Actel Port, le couple Bellal, cadres à Mobilis, ainsi que d'autres agents, répondront des chefs d'inculpation de faux et usage de faux, détournement de deniers publics, falsification de documents comptables et de commerce et abus d'autorité. Quant au préjudice financier, il s'élèverait, selon les proches du dossier, à plusieurs milliards de centimes. Tous ces éléments de l'affaire ont été mis au clair par une enquête approfondie de la brigade économique de la Gendarmerie nationale qui a débuté ses investigations fin 2010 et qui a duré près de cinq mois. La genèse de l'affaire remonte au 12 juillet 2006, lorsque les services d'Algérie Télécom Mobile-Mobilis sollicitaient de l'unité opérationnelle d'Annaba l'ouverture d'une information administrative ordonnée par la direction de l'unité opérationnelle des télécommunications. Les investigations ont commencé par l'examen de 7 contrats d'attribution suspecte de lignes téléphoniques de type GSM, transmis par les services d'ATM Mobilis, alors que selon les déclarations verbales de la directrice de l'agence commerciale Mobilis de l'époque, il existerait une centaine de dossiers suspects. Aujourd'hui, le nombre de dossiers a atteint les 232. Dans le premier rapport d'enquête, établi le 26 novembre 2006, la commission relève que «malgré les différentes démarches effectuées tant auprès du sous-directeur régional d'ATM que de Debache Zahia, la directrice de l'agence commerciale Mobilis de l'époque, partie en retraite, a refusé, selon le rapport, à remettre le reste des dossiers litigieux pour des raisons inconnues, alors que le préjudice matériel et moral subi par l'entreprise est considérable». En effet, rien que pour les sept dossiers que la commission avait en sa possession, le préjudice matériel subi était de l'ordre de 200 millions de centimes, et que trois faux bénéficiaires avaient déjà intenté une action en justice contre Mobilis pour usurpation d'identité : il s'agit de B. L., D. A. et R.M. Ainsi, le comportement des responsables locaux de Mobilis était jugé étrange par les enquêteurs. En outre, ces mêmes responsables ont ordonné à leur personnel de ne pas répondre par écrit aux questions posées par les enquêteurs. Cette situation a sans nul doute retardé l'avancement de l'enquête et privé les enquêteurs de renseignements précis à même de comprendre les méthodes utilisées par les faussaires et d'évaluer l'ampleur du préjudice subi. Les preuves du faux et usage de faux L'examen attentif des sept dossiers a permis de déceler les caractéristiques suivantes : ces contrats ont été souscrits durant la période octobre-novembre 2004, ils ont tous souscrit à l'Agence commerciale des télécommunications (Actel) d'Annaba Port et les prétendus bénéficiaires de lignes GSM ont tous choisi des adresses de domiciliation de leurs factures autres que celles de leurs domiciles. Ces attestations de domiciliation ont été toutes légalisées dans la même antenne de l'APC (antenne de Bouzered-Hocine) par le même officier d'état civil, en l'occurrence D. Z. E. qui a authentifié tous les documents. La même écriture revient sur toutes les attestations de domiciliation et ces attestations comportaient la signature de faux bénéficiaires. Eu égard aux différentes anomalies relevées lors de l'examen des contrats et vu que le compte rendu de l'enquête préliminaire transmis par ATM Mobilis faisait ressortir les noms du personnel d'Actel Port, ayant procédé soit à la souscription des contrats soit à la mise en service de la ligne GSM ou à l'activation de l'international et ou Roaming, il devenait opportun d'auditionner ce personnel, à savoir B. H., chef de division à l'époque des faits, Z. N., OP/PAL à l'époque des faits et M. B. M., TS. Ils étaient tous unanimes à dire qu'ils exécutaient les ordres de leur chef hiérarchique, en l'occurrence Chaouch Abdellah, chef de centre Actel Port à l'époque des faits, personnage central de toute l'affaire. Par ailleurs, dans leurs conclusions, les enquêteurs ont déduit que C. A. s'est rendu coupable d'escroquerie, abus de confiance, usurpation d'identité, d'harcèlement sexuel envers son personnel à majorité féminin et détournement d'un matériel propriété de l'entreprise. Il s'agit, selon le rapport d'enquête, de délits graves passibles de peines, une plainte devait être déposée à l'encontre du mis en cause conformément aux articles 372, 376 et 249 du code pénal, l'intéressé devait être suspendu de ses fonctions. Cependant, la latitude était laissée à son employeur, la Direction territoriale des télécommunications (DTT), pour prendre les mesures qui s'imposent or aucune sanction n'a été prise à son encontre. Le personnel d'Algérie Télécom, bien qu'il ne soit pas incriminé, des présomptions de complicité passive planent, ce personnel se devait d'alerter sur les agissements douteux de leur chef. En février 2007, un complément d'enquête a été ordonné sur la responsabilité de C. A., coupable de souscriptions frauduleuses des abonnements téléphoniques type GSM. Il ressort aussi que son personnel a procédé à des souscriptions litigieuses par la contrainte. Cette affaire a démontré la passivité de certains responsables qui seraient impliqués de non dénonciation de délits, notamment Soltani Boukhatem et Doghmane Khemiss, d'après les articles 47 et 48 de la loi contre la corruption.