L'opération de rapatriement des 13 membres des associations civiles qui activaient dans les camps de réfugiés sahraouis à Tindouf, effectuée samedi dernier sur décision du gouvernement Rajoy, continue d'être au centre d´une grande polémique en Espagne. Comme conséquence immédiate de cette opération controversée, les organisations civiles pro-sahraouies ont programmé l'envoi d´une mission d'une vingtaine de volontaires, le 7 août prochain, à Tindouf. Cette initiative revêt un double objectif. D'abord pour exprimer la solidarité sans faille de la société civile espagnole avec la cause du Front Polisario. Les activistes espagnols partants, parmi lesquels se trouve José Taboada, le président de la Confédération des associations de soutien au peuple sahraoui (Concas), entendent, également, démontrer que les «arguments sécuritaires» avancés par Madrid ne tiennent pas la route. Ils soupçonnent même leur gouvernement d'avoir négocié secrètement ce rapatriement avec Rabat. Il faut se rappeler, en effet, que les autorités marocaines avaient fait feu de tout bois de la prise d'otage de Tindouf, le 23 octobre 2011, à Rabouni (Tindouf) pour faire valoir qu'un Sahara occidental indépendant sera un sanctuaire pour les groupes terroristes qui activent dans le Sahel. Plus pragmatiques, certains activistes pro-sahraouis ont vu dans la décision du gouvernement espagnol un refus de ne plus payer aux ravisseurs des rançons en millions d'euros, au moment où, sous la pression d'une grave crise économique, l'Espagne tente d'équilibrer ses dépenses financières par l´économie des sommes d'argent moins importantes sur certains budgets de ministères. Un scénario de panique C'est pour ces raisons que le gouvernement espagnol a imaginé un scénario de panique dans une région, le Sahel, où les pays de la Communauté économique de l´Afrique de l'Ouest (Cédéao), soutenus par l´Union européenne, attendent le feu vert des Nations unies pour engager une opération militaire dans le nord du mali pour y déloger Aqmi, le Mujao et les salafistes de Ansar Eddine. L'Espagne, qui soutient activement une telle option, craint, en conséquence, que ses ressortissants ne soient la cible privilégiée des représailles terroristes. C'est en insistant sur l'«imminence d'une prise d'otage «à Tindouf que le ministre des Affaires étrangères, José Manuel García-Margallo, croyait, mardi, pouvoir convaincre les organisateurs du voyage du 7 août prochain, de renoncer à leur projet. Peine perdue, car M. Margallo et ses interlocuteurs ne parlaient pas, en effet, le même langage, ni avaient les mêmes motivations. Pour le chef de la diplomatie espagnole, le rapatriement de samedi est «temporaire» et n'a rien d'un acte politique de nature à modifier la position de soutien de son gouvernement au droit à l'autodétermination du peuple sahraoui. Pour M. Taboada et ses camarades, il s´agit d'un acte de solidarité qui prend encore plus de sens dans cette campagne de peur. Le témoignage de Pepe Oropesa M. Margallo a donc échoué dans son initiative. Le vice-président de l´Association des amis du peuple sahraoui de Séville, M. Miguel Castro, avait, pourtant, averti la veille en recevant l'invitation à assister à une rencontre des ONG avec le ministre que «les autorités gouvernementales ne parviendront pas à nous faire renoncer à notre projet de voyage à Tindouf», car, soutient-il, «le gouvernement espagnol est dans l'erreur». De nombreux journalistes espagnols seraient, eux aussi, partants pour le déplacement du 7 août à Tindouf où Pepe Oropesa, leur collègue de 26 ans qui a décidé de poursuivre sa mission de solidarité avec les Sahraouis, malgré les pressions de son gouvernement, aura sans doute des choses à leur raconter sur cette histoire montée, apparemment, de toutes pièces par Madrid.