L'Espagne a évacué les travailleurs humanitaires des camps de réfugiés sahraouis. Une décision vivement critiquée par les associations espagnoles de soutien aux Sahraouis. Le chef de la diplomatie sahraoui, Ould Salek, a regretté la décision de Madrid. Le gouvernement espagnol a rapatrié les travailleurs humanitaires espagnols et d'autres nationalités activant dans les camps de réfugiés sahraouis en Algérie en raison «d'indices bien fondés» sur d'éventuelles attaques menées par des groupes djihadistes du nord du Mali, selon le ministre espagnol des Affaires étrangères, José Manuel Garcia-Margallo. Ce sera en tout 17 travailleurs humanitaires qui auront quitté les camps sahraouis. Deux travailleurs humanitaires, un Espagnol et un Péruvien, étaient déjà rentrés par leurs propres moyens. Quinze autres travailleurs humanitaires dont deux Français et un Italien ont été évacués par un avion de l'armée espagnole. Les journalistes avaient été convoqués, sans explication préalable, au ministère espagnol des Affaires étrangères pour être informés de cette évacuation. Selon le ministre espagnol, le processus d'évacuation a commencé vendredi avec le transfert des travailleurs humanitaires vers une base militaire algérienne où ils ont attendu l'arrivée de l'avion espagnol. José Manuel Garcia-Margallo a remercié les autorités algériennes et le Front Polisario pour leur «coopération». Un travailleur humanitaire espagnol a décidé de rester «par choix» et n'a pas été évacué. Le ministre espagnol a invoqué une situation «d'insécurité croissante» avec un Nord-Mali «converti en une plateforme terroriste ». «Il y a des indices fondés d'une forte recrudescence de l'insécurité dans la zone », a ajouté le ministre, précisant que les coopérants espagnols évacués se trouvaient jusqu'alors dans les camps de réfugiés sahraouis de Tindouf. LES ASSOCIATIONS ESPAGNOLES DENONCENT UN ABANDON La décision du gouvernement espagnol a été critiquée par les ONG travaillant dans les camps sahraouis. L'association des amis du peuple sahraoui, Médecins du Monde et Mundubat ont déploré dans une déclaration commune le fait que l'Espagne ait «cédé au chantage» et «d'abandonner à leur sort des dizaines de milliers de réfugiés dont la vie dépend totalement de la présence des coopérants». «Nous sommes en désaccord avec cette politique improvisée et sans raisons sérieuses», a déclaré José Taboada, président de la coordination des associations de solidarité avec le Sahara (CEAS-Sáhara), qui souligne que les mesures de sécurité prises par le Polisario «sont suffisantes» pour que l'on n'abandonne pas les Sahraouis. José Taboada a indiqué que la semaine prochaine un nouveau groupe de coopérants se rendra dans les campements sahraouis pour continuer à travailler sur zone et démontrer qu'il n'y a pas de danger. «Il y a actuellement 5.500 enfants qui passent l'été en Espagne, je demande au ministre : que faisons-nous avec eux, les laisserons-nous repartir là-bas si la situation est si incertaine». En théorie, le gouvernement ne force pas les travailleurs humanitaires à quitter les camps de réfugiés sahraouis mais José Taboada souligne que la plupart des coopérants présents dans les camps sahraouis travaillent dans le cadre de projets financés par l'Agence espagnole de coopération internationale pour le développement (AECID) qui relève du ministère des Affaires étrangères et de Coopération. Et de ce fait la «recommandation de quitter la région est pratiquement impérative». LE POLISARIO : LES MESURES ONT ETE PRISES POUR SECURISER LES HUMANITAIRES Les Sahraouis ont de leur côté exprimé leur «regret» devant la décision prise «unilatéralement» par le gouvernement espagnol. Le gouvernement de la RASD «regrette cette décision qui aura sans doute des effets négatifs sur la situation des réfugiés sahraouis, qui attendent le référendum d'autodétermination, la solution démocratique du conflit maroco-sahraoui», a déclaré M. Mohamed Salem Ould Salek, ministre sahraoui des Affaires étrangère. M. Ould Salek a souligné que depuis «l'acte de terrorisme criminel du 22 octobre 2011 contre les humanitaires européens dans les camps de réfugiés, commis par un groupe terroriste du nord du Mali, les autorités sahraouies ont progressivement mis en place les mesures nécessaires pour protéger les hôtes du peuple sahraoui». Ould Salek a souhaité un «retour dès que possible» de ces humanitaires, pour qu'ils poursuivent leur «mission d'assistance à des dizaines de milliers de réfugiés sahraouis, victimes de l'occupation militaire de leur territoire par le Royaume du Maroc depuis le 31 octobre 1975». Pour rappel, trois travailleurs humanitaires - deux Espagnols et une Italienne - avaient été enlevés en octobre 2011 dans un camp de réfugiés de Tindouf par le Mouvement pour l'unicité et le jihad en Afrique de l'Ouest (Mujao), un groupe terroriste qui cible particulièrement l'Algérie et les intérêts algériens. Ils ont été libérés le 18 juillet dernier contre une rançon de 15 millions d'euros.