Il a réussi. Ce qui ne devait être qu'une simple utopie de rêveur en mal de nostalgie des années 90 s'est transformé en réalité mardi soir sur la piste du stade olympique de Londres. Toufik Makhloufi est bien le nouveau champion olympique du 1500 m. Il n'a pas remporté le bronze ou l'argent, ces distinctions qui auraient suffi à faire le bonheur de milliers d'athlètes. Non, il s'est emparé de la médaille d'or, celle qui est faite du métal le plus précieux et qui va sur le cou du champion, du premier de la course. Disons-le tout net, on appréhendait cette finale non pas pour tous les adversaires que l'Algérien allait affronter mais pour la blessure qu'il traînait depuis quelques jours et qui l'avait obligé à quitter le stade olympique en boitillant, au bras d'un responsable du staff médical de l'organisation, juste après qu'il ait gagné sa demi-finale dimanche soir. On avait appris par la suite de la bouche du médecin de la délégation algérienne qu'il souffrait d'une légère tendinite mais que cela n'avait rien de grave. Ce n'était peut-être que des mots lancés pour rassurer. Le mal pouvait être plus pernicieux que cela et on a vu de grands favoris d'une épreuve rater complètement leur coup le jour J, c'est-à-dire celui de la finale, justement à cause de blessure qu'on présentait comme légère et bénigne. Et puis il y avait eu cette monumentale bévue de sa part mais surtout de sa fédération. Lui pour avoir joué avec le feu le lendemain de cette demi-finale en abandonnant au bout de 200 mètres de course dans sa série du 800 m. Sa fédération pour avoir vu grand en l'inscrivant dans le 1500 m et dans le 800 m. Disons qu'elle a eu la convoitise exagérée sans se soucier de la santé de l'athlète ni de ses chances de remporter le 1500 m. Car dès le premier tour de cette course, il était évident que Makhloufi en était devenu le grand favori. A ce moment-là, la fédération avait largement le temps de le retirer de la course du 800 m. Cela nous aurait évité des frayeurs et au coureur une certaine perturbation sur le plan psychologique. La tactique kenyanne Après ses deux succès en série et en demi-finale, il était plus que sûr que Makhloufi était devenu l'homme à battre, celui qu'il fallait surveiller de près lors de la finale. Trois hommes avaient un intérêt commun pour le bloquer car courant tous les trois sous les couleurs d'un même pays, le Kenya. C'est connu depuis de longues années, ces Kenyans là lorsqu'ils courent ensemble se mettent l'un au service de l'autre. Morceli du temps de sa splendeur avait vécu cela. Makhloufi était appelé à en faire l'expérience. Seulement, lors de cette finale, un de ces Kenyans était cuit avant la course. Il s'agissait du champion olympique en titre, Asbel Kiprop, qui a constamment couru en queue du peloton. Il a, d'ailleurs, fini bon dernier démontrant qu'il n'était pas du tout dans la course comme il avait été absent lors des séries et des demi-finales. Restaient les deux autres Kenyans. Le premier Nixon Chepseba s'est pris pour mission de prendre la tête de la course pour la contrôler. Le second, Silas Kiplagat, est lui resté dans le peloton, aux côtés de Makhloufi, histoire de le gêner et de l'enfermer. A un certain moment, on a bien vu Kiplagat tenter de venir devant l'Algérien. Il l'a bousculé dans l'espoir de le déséquilibrer puis de le pousser un peu plus dans le peloton d'où il aurait eu du mal à s'extirper. Makhloufi a senti le coup et sur une accélération subie d'un coup d'épaule il a réussi à devancer Kiplagat et à prendre l'extérieur du peloton. C'est à cet instant là que situé à quelque 600 mètres de l'arrivée l'Algérien a eu course gagnée. Car sorti du guêpier du peloton, il ne lui restait plus lors du dernier tour qu'à faire parler sa vélocité et sa force physique pour l'emporter devant des adversaires qui lors des séries et des demi-finales avaient montré leurs limites pour le contrer dans le finish. Et à 200 mètres de la ligne d'arrivée, Makhloufi a fait ce qu'il fallait, à savoir donner assez d'accélération à son rythme de jambes pour laisser tout le monde sur place. A ce moment-là, il était sur un nuage, la victoire ne pouvait plus lui échapper tant son aisance était phénoménale. Il a terminé largement en tête dans le temps moyen de 3 :34.08 devançant dans l'ordre l'Américain Leonel Manzano (3:34.79) et le Marocain Abdalaati Iguider (3:35.13). Toufik Makhloufi devient ainsi champion olympique 2012 du 1500 m. Il offre pour son pays, l'Algérie, une médaille d'or à laquelle il n'y croyait plus depuis longtemps. C'est le premier titre olympique pour l'Algérie depuis les Jeux de Sydney en 2000 qui avaient vu Nouria Benida Merrah s'imposer dans le 1500 m féminin. Cette course du 1500 m est une épreuve bénie pour le sport algérien sur les 5 médailles d'or olympiques algériennes, 4 ont été obtenues dans cette course (Boulmerka en 1992, Morceli en 1996, Benida Merrah en 2000 et Makhloufi en 2012). Il n'y a eu que le regretté Soltani à faire exception en remportant la médaille en vermeil en boxe en 1996. La consécration de Makhloufi a une particularité puisqu'il s'agit de la première médaille d'or remportée par un pays arabe lors de ces Jeux de Londres. Grâce à ce succès, l'Algérie apparaît pour la première fois dans le tableau des médailles où elle occupe la 38e place, ce qui n'est pas mal quand on sait qu'il y a 205 nations à participer à ces Jeux.