«Lorsqu´un pays cède et accepte de payer une rançon pour obtenir la libération de ses ressortissants enlevés par des groupes terroristes, c´est la voie ouverte à la multiplication des opérations de prise d´otages.» Ce constat implacable a été fait devant l´Assemblée générale de l´ONU, le 11 septembre dernier, par Rezzag Bara, le conseiller du Président Bouteflika pour les questions de terrorisme. L'occasion était celle du dixième anniversaire des attentats du 11 septembre 2001 aux Etats-Unis. Deux ans plus tard, le terrorisme d´Al Qaïda qui sévissait encore en Algérie dans l´indifférence internationale, venait de trouver une source juteuse pour son financement. En 2003, une trentaine de touristes allemands et autrichiens avaient été enlevés dans le Grand-Sud algérien et répartie en deux groupes. Les unités spéciales de l´armée algérienne parviennent à libérer l´un des deux groupes en neutralisant leurs ravisseurs. Le second était sur le point de l´être, mais ils sont conduits vers le nord du Mali qui deviendra le sanctuaire du Groupe salafiste GSPC avant de faire allégeance avec Al Qaïda, en 2007, et s´autoproclamer Al Qaïda au Maghreb islamique (Aqmi). Les gouvernements allemands avaient accepté de payer 5 millions d´euros contre la remise en liberté de leurs 14 ressortissants encore séquestrés, une Allemande ayant trouvé la mort durant sa séquestration. Cette modique somme pour l´époque sera multipliée par 10 quelques années plus tard. Les prises d´otages de ressortissants français, espagnols ou italiens dont tous les gouvernements ont accepté de payer sont devenues plus fréquentes, au Niger, au Mali et en Mauritanie. En plus, des pressions sont exercées sur les gouvernements du Sahel, la Mauritanie, le Mali et le Niger, pour satisfaire la seconde condition posée par les groupes de Abdelhamid Abou Zeid et Mokhtar Benmokhtar : la libération de salafistes incarcérés dans ces trois pays. Rares sont les gouvernements occidentaux qui, comme celui du Royaume-Uni, dont un ressortissant enlevé au Sahel fut exécuté, ont refusé de céder au chantage des terroristes. L´astuce des gouvernements européens Les Etats-Unis ont adopté, eux aussi, une position de fermeté sur la question. Le conseiller de la Maison-Blanche aux Affaires de terrorisme, Daniel Benjamin, qui a séjourné plusieurs fois en Algérie, a apporté un franc soutien à l´initiative du gouvernement algérien réclamant du Conseil de sécurité de l´Onu l´adoption d´une résolution criminalisant le paiement des rançons. L´expert américain a même «sermonné», au cours d´un déjeuner à New York, les ambassadeurs de France, d´Espagne, d´Italie et de certains autres pays «alliés» ayant satisfait aux conditions posées par Aqmi. Pointés du doigt, ces gouvernements ont d´abord officiellement nié avoir versé des rançons. Ce que fit, par exemple, l´ancien ministre espagnol des Affaires étrangères, Miguel Angel Moratinos,ou son homologue français de l´époque, Bernard Kouchner. Le scandale a fini par éclater lorsque journal espagnol El Mundo avait publié des «révélations documentées» fracassantes sur le sujet. Des transferts bancaires ont bien été effectués sur les comptes de certaines ambassades espagnoles en Afrique. Ce sont d´importantes sommes d´argent évaluées en millions d´euros pour les ravisseurs (terroristes ou pirates), dont une partie est revenue aux intermédiaires africains ou touareg. L´astuce est trouvée par Paris et Madrid pour démentir ces paiements. En fait, cet argent est, parfois, avancé par les employeurs des otages ou des parties tierces. Le remboursement s´effectuera plus tard. Les commandes d´armes en Libye Pendant ce temps, le gouvernement algérien continuait de soutenir que cet argent sert à l´achat de matériel de guerre pour les foyers de terrorisme dans le nord du pays. Jamais la presse occidentale aux ordres, à l´image de France 24, n´a admis l´évidence que les gouvernements français, italien et espagnol ont bien payé. C´est la guerre de Libye pilotée par Nicolas Sarkozy qui va mettre en évidence cette opération juteuse de paiement des rançons. Celle-ci n´est plus taboue depuis que Nicolas Sarkozy et José Luis Zapatero ne sont plus au pouvoir. A plus forte raison maintenant que la reconquête du nord du Mali occupé par les salafistes d´Ansar Dine avec l´aide d´Aqmi et de sa branche dissidente le Mujao, à laquelle Paris et Madrid appellent de tous leurs vœux, est à l´ordre du jour des Nations unies. Tout le monde finira par admettre que l´Algérie avait vu juste dans l´affaire du Sahel, des otages comme dans la guerre de Libye. Aujourd'hui, la force africaine composée de 3200 soldats encadrés par des pays occidentaux aura pour mission de libérer le nord du Mali où les groupes salafistes ont jeté les bases d´un Etat taliban. Elle devra faire face à un armement lourd, sophistiqué, sur lequel les hommes d´Aqmi, du Mujao et d´Ansar Dine ont eu le temps de se former. Cet armement a été acheté avec l´argent des rançons. Tout comme les groupes salafistes ont acheté avec ce même argent la complicité des populations pauvres locales. L´Europe à portée des missiles libyens Tous les experts de la lutte antiterroriste s´accordent à conclure que la situation sécuritaire au Sahel et au Maghreb aurait été plus gérable si des gouvernements occidentaux n´avaient pas choisi la solution la plus commande. L´erreur avait été de croire que le terrorisme dans la partie nord de l´Afrique était un phénomène local. La semaine dernière, le gouvernement espagnol revoyait son analyse. Les Canaries, le territoire espagnol, sont à portée des Sam 7 russes et des Stringer de fabrication américaine achetés en Libye par Aqmi et le Mujao. Avec l´argent des rançons !