Paris, qui a été le siège d'un vaste ballet diplomatique la semaine dernière, pour probablement affûter le plan de l'intervention militaire dans le nord du Mali sous le manteau de la Cédéao, s'est vu stoppé net dans ses élans par la menace d'Aqmi de tuer ses quatre ressortissants tenus en otages au Sahel. Aqmi, franchise maghrébine d'Al-Qaïda, a assuré la France que si elle persiste dans ses appels et manœuvres à envahir le nord du Mali, cela aboutira à l'exécution des otages français enlevés en 2010, au Niger, et à “davantage de malheurs pour son peuple". Pour des spécialistes du terrorisme islamiste, Aqmi en rivalité avec deux autres groupes djihadistes, Ansar Dine et le Mujao, ne chercherait qu'à reprendre le fil des négociations avec Paris pour se faire payer les rançons. L'organisation, qui a propagé le djihadisme dans le Sahel, serait-elle à court de liquidités ? Si elle s'est incrustée dans cette vaste région, c'est tout simplement parce qu'elle a pu acheter la complicité sinon la complaisance de chefs de tribu. Dans leur communiqué, les islamistes d'Aqmi ont affirmé que c'est le gouvernement français “qui a fermé la porte aux négociations et continue de mettre en danger la vie de vos fils (les otages, ndlr)" pour faire part de leur disponibilité à reprendre les négociations ! Jamais Aqmi ne s'est adressée de la sorte. Laurent Fabius, qui a refusé de commenter, aurait fait savoir dans son département ministériel que la France, en raison de la crise des otages, ne peut avoir qu'un rôle de facilitateur, pas d'acteur dans le conflit au Mali. Avant que ne s'invite Aqmi, Laurent Fabius s'activait ouvertement et en coulisses pour lancer l'opération militaire contre l'occupation du nord du Mali par des djihadistes. Cela dit, la France a dans son esprit la catastrophe du début 2011 : ses forces spéciales étaient intervenues pour faire libérer deux otages, les deux sont morts dans des conditions non éclaircies. Pour expliquer ce retournement de position, le président français a déclaré que le temps des interventions directes est révolu et que le rôle de la France est d'appuyer les organisations africaines régionales dans le cadre des Nations unies et de leur fournir un soutien logistique si une intervention était décidée. François Hollande n'a pas manqué de rappeler que Paris ne peut toutefois pas jouer les absents face au défi lancé à ses intérêts en Afrique. Cette crise des otages français est venue compliquer la crise malienne où il est observé une véritable cacophonie non seulement à Bamako, mais sur toute sa scène internationale. Le Premier ministre malien, Cheikh Modibo Diarra, était mercredi et jeudi à Paris, pour presser ses hôtes à plus de fermeté et surtout qu'ils n'abandonnent pas leur décision pour une intervention militaire, même s'il a admis que la question des otages pourrait gêner la France. La menace de tuer les otages émise par Aqmi alors que le responsable malien se trouvait à Paris ne semble pas anodine. Le Premier ministre malien a exhorté le chef de la diplomatie française à poursuivre les efforts déployés par lui depuis plusieurs semaines pour convaincre les partenaires de la France, européens mais aussi américains, d'agir pour contrer Aqmi, Ansar Dine et le Mujao. La France qui avait convoqué une réunion à haut niveau sur le Sahel le 26 septembre à New York, en marge de l'Assemblée générale annuelle de l'ONU, dit aujourd'hui que ce ne sera pas demain que le Mali va retrouver son intégrité territoriale. Pourtant, Paris semblait avoir trouvé un écho favorable avant l'intervention d'Aqmi en Europe satisfait de la prise de conscience par la Grande-Bretagne du risque de déstabilisation régionale. Italiens et Espagnols avaient eux aussi annoncé qu'ils soutiendraient la France. La faisabilité d'une opération contre les djihadistes reste liée à la présentation par les autorités maliennes d'une demande officielle dans le cadre onusien. Or, le temps qui presse pour une intervention dans le Nord, énoncée par le Premier ministre malien est loin de faire l'unanimité à Bamako et même au sein de la Cédéao. Cheikh Modibo Diarra a même laissé entendre qu'il pouvait se passer de la force de la Cédéao et que les troupes maliennes ne manquent que de renseignements, de logistique et de formation pour la lutte antiterroriste dans les agglomérations. Les islamistes d'Aqmi, par la voix de leur chef, avaient menacé de s'en prendre à tout pays qui risquerait d'envoyer des troupes au Mali. D. B