Tel est le verdict prononcé hier par le juge près le tribunal d'Annaba avec requalification des chefs d'inculpation. Reporté à deux reprises, le procès Algérie Télécom ayant trait à l'attribution suspecte de centaines de lignes téléphoniques de type GSM a eu lieu le 7 octobre. A l'issue de l'audience, le représentant du ministère public a requis 7 ans de prison à l'encontre du principal accusé, Chaouch A., ex-chef d'agence Actel port, et 5 ans de prison ferme pour les autres accusés, dont l'ex-DG et deux employés. Il faut rappeler que ces lignes auraient été concédées à des personnes fictives durant l'année 2004, c'est-à-dire au moment où la gestion des lignes téléphoniques de type GSM était confiée à Algérie Télécom. Plus d'une dizaine de personnes se sont présentées à la barre, dont l'ex-PDG d'Algérie Télécom, Slimane Kheireddine, déjà condamné pour trafic de marchés publics, Boukhatem Soltani, ex-directeur territorial d'Annaba puis directeur régional Mobilis, parti en retraite, Doghmane Khemis, l'ex-directeur opérationnel en retraite, Chaouch Abdellah, principal accusé, et l'ex-chef de centre Actel port, ainsi que le couple Bellal, cadres à Mobilis, et d'autres agents qui ont répondu aux chefs d'inculpation reconsidérés lors du verdict en faux et usage de faux, détournement de deniers publics, falsification de documents comptables et de commerce et abus d'autorité. Quant au préjudice financier, il s'élèverait, selon les proches du dossier, à plusieurs milliards de centimes. Tous ces éléments de l'affaire ont été mis au clair par une enquête approfondie de la brigade économique de la gendarmerie qui a débuté ses investigations fin 2010 et qui a duré près de cinq mois. Mais la genèse de l'affaire remonte au 12 juillet 2006, lorsque les services d'Algérie Télécom Mobile-Mobilis sollicitaient de l'unité opérationnelle d'Annaba l'ouverture d'une information administrative ordonnée par la direction de l'unité opérationnelle des télécommunications. Les investigations ont commencé par l'examen de 7 contrats d'attribution suspecte de lignes téléphoniques de type GSM, transmis par les services d'ATM Mobilis, alors que selon les déclarations verbales de la directrice de l'agence commerciale Mobilis de l'époque, il existerait une centaine de dossiers suspects. Aujourd'hui, le nombre de dossiers a atteint les 232. Dans le premier rapport d'enquête établi le 26/11/2006, la commission relève que «malgré les différentes démarches effectuées tant auprès du sous-directeur régional d'ATM que de Mme Debache Zahia, directrice de l'agence commerciale Mobilis de l'époque, partie en retraite, et qui a refusé, selon le rapport, de remettre le reste des dossiers litigieux pour des raisons inconnues alors que le préjudice matériel et moral subi par l'entreprise est considérable. En effet, rien que pour les sept dossiers que la commission avait en sa possession, le préjudice matériel était de l'ordre de 200 millions de centimes environ, et trois faux bénéficiaires avaient déjà intenté une action en justice contre Mobilis pour usurpation d'identité : il s'agit de B. L., D. A. et R. M. Comportement étrange des responsables locaux de Mobilis Ainsi, le comportement des responsables locaux de Mobilis a été jugé étrange par les enquêteurs. En outre, ces mêmes responsables ont ordonné à leur personnel de ne pas répondre par écrit aux questions posées par les enquêteurs. Cette situation a retardé, sans nul doute, l'avancement de l'enquête, et privé les enquêteurs de renseignements précis à même de comprendre les méthodes utilisées par les faussaires pour évaluer l'ampleur du préjudice subi. Quant à l'examen attentif des sept dossiers, il a permis de déceler les caractéristiques suivantes : ces contrats ont été souscrits durant le mois d'octobre et début novembre 2004. Ils ont tous été souscrits à l'agence commerciale des télécommunications (Actel) d'Annaba port et les prétendus bénéficiaires de lignes GSM ont tous choisi une adresse de domiciliation de leurs factures autre que celles de leurs domiciles effectifs. Ces attestations de domiciliation ont en commun d'être légalisées dans la même antenne de l'APC (antenne de Bouzered Hocine), le même officier d'état civil, en l'occurrence D. Z. E. qui a authentifié tous les documents, la même écriture revient sur toutes les attestations de domiciliation et ces attestations comportaient la signature de faux bénéficiaires. Eu égard aux différentes anomalies relevées lors de l'examen des contrats et vu que le compte rendu de l'enquête préliminaire transmis par AT Mobilis faisait ressortir les noms du personnel d'Actel port ayant procédé soit à la souscription des contrats soit à la mise en service de la ligne GSM ou à l'activation de l'international et au roaming, il devenait opportun d'auditionner ce personnel, à savoir Mmes B. H., chef de division à l'époque des faits, Z. N., OP/PAL à l'époque des faits et M. B. M., TS qui étaient unanimes à dire qu'ils exécutaient les ordres de leur chef hiérarchique, en l'occurrence Chaouch Abdellah, chef de centre Actel port à l'époque des faits et personnage central de toute l'affaire.
C. A., auteur de graves délits et mutisme du personnel Par ailleurs, dans leurs conclusions, les enquêteurs ont déduit que C. A. s'est rendu coupable d'escroquerie, abus de confiance, usurpation d'identité, harcèlement sexuel envers son personnel en majorité féminin et détournement de matériel propriété de l'entreprise. Il s'agit, selon les éléments du rapport d'enquête, de délits graves passibles de sanctions pénales. Une plainte devait être déposée à l'encontre du mis en cause conformément aux articles 372, 376 et 249 du code pénal et l'intéressé devait être suspendu de ses fonctions. Or, quelques années après, il a été promu à un poste supérieur. Cependant, toute latitude était laissée à son employeur, la direction territoriale des télécommunications (DTT), de prendre les mesures qui s'imposaient. Mais aucune sanction n'a été prise à son encontre. Contre le personnel d'Algérie Télécom, bien qu'il ne soit pas incriminé, des présomptions de complicité passive planent. Il se devait d'alerter sur les agissements douteux de son chef. En février 2007, un complément d'enquête a été ordonné sur la responsabilité de C. A., chef de centre Actel, qui s'est rendu coupable de souscriptions frauduleuses d'abonnements téléphoniques de type GSM. Il ressort aussi que son personnel a procédé à des souscriptions litigieuses par la contrainte. Cette affaire a démontré la passivité de certains responsables et pourrait impliquer pour non-dénonciation de délits notamment Slatni Boukhatem et Doghmane Khemis, comme le stipulent les articles 47 et 48 de la loi contre la corruption.