La wilaya de Tlemcen a connu, ces dix dernières années, plusieurs épidémies de fièvre typhoïde dont on peut citer les plus importantes qui ont touché, en 2005, les cités populeuses et précaires de Chetouane, où une cinquantaine de personnes ont été admises à l'hôpital, en 2009, la cité haï Zitoune de Tlemcen qui a enregistré la contamination de 48 personnes, et enfin, la plus endémique qui a frappé les localités de Tagma, commune d'Ain Fezza, avec plus de 105 personnes infectées. Dans les trois cas, l'eau contaminée était la cause de ces foyers épidémiques et serait certainement à l'origine de l'épidémie qui frappe actuellement la commune d'Oued Lakhdar où 20 cas ont été confirmés et hospitalisés au service infectieux du CHU de Tlemcen , le nombre de personnes ne cesse d'augmenter et la propagation rapide de cette maladie a provoqué un vent de panique parmi la population. Aujourd'hui, tout le monde s'interroge sur la persistance de cette maladie, appelée communément celle des cités précaires, qui frappe essentiellement les groupements urbains qui ne disposent pas de réseaux d'assainissement et d'AEP fiables. L'absence d'hygiène et de sécurité des produits alimentaires peuvent aussi en être la cause, surtout en période d'été. C'est une maladie liée donc à l'eau et l'hygiène alimentaire. Les causes et l'épidémiologie de cette maladie ont été abordées dans cet entretien avec le Dr A. Bendimered, spécialiste des maladies infectieuses. Le Temps d' Algérie : Comment peut-on définir cette maladie ? Dr A. Bendimered : Les fièvres typhoïdes et parathyroïdes sont des infections graves causées par des bactéries, transmissibles lors de l'ingestion d'aliments ou d'eau contaminée par des selles. L'eau contaminée est l'une des voies de transmission de la maladie qui est une infection bactérienne des voies intestinales et du courant sanguin. Les symptômes bénins ou graves comprennent une fièvre prolongée, des céphalées, une constipation ou une diarrhée pour ne citer que les plus importants. Elle peut être mortelle en l'absence d'un traitement médical surtout chez les bébés et les enfants. Elle s'attaque donc essentiellement aux populations des habitations précaires ? Ce n'est pas uniquement les cités précaires, c'est tous les groupements urbains qui ne disposent pas d'un réseau d'AEP ou d'une source d'eau sécurisée et de réseau d'assainissement. Les réseaux vétustes d'AEP peuvent provoquer cette épidémie ainsi que le mélange des eaux usées avec les sources d'eau potable ou avec les réseaux d'AEP. C'est malheureusement des cas fréquents dans notre pays qui a pourtant accordé un intérêt particulier à tous ces réseaux pour lesquels des milliards de dinars ont été injectés sauf dans certains cas où leur exécution était non conforme avec les normes d'hygiène et de sécurité. C'est donc une réaction en chaîne ? Effectivement, une eau contaminée va à son tour contaminer les aliments ou tout autre produit rincé et entré en contact avec cette eau. Elle est transmise par le bacille salmonelle typhi que l'on retrouvera dans l'eau ou des aliments contaminés. L'eau polluée est la source la plus fréquente de la fièvre typhoïde. L'infection peut être provoquée aussi par la consommation de fruits de mer de bassins contaminés par les eaux usées, de légumes crus provenant de cultures irriguées par des eaux usées ou utilisant des vidanges comme engrais ou de lait et de produits laitiers contaminés. Et la transmission de la maladie ? L'homme peut transmettre la maladie tant qu'il est porteur du bacille , la plupart des sujets sont contagieux avant la convalescence et pendant la première semaine de convalescence.Dix pour cent environ des malades non traités excrètent des bactéries pendant deux à trois mois et ce sont ces cas qui provoquent une épidémie , ils sont difficilement identifiables et nécessitent un dépistage généralisé, très lourd financièrement. Enfin, deux à cinq pour cent de ces personnes non traitées deviennent des porteurs permanents, donc des risques potentiels permanents pour la société dans laquelle elles évoluent ou se déplacent. Comment peut-on lutter efficacement contre ces épidémies ? Il convient de rechercher d'abord l'origine de l'épidémie ou le porteur du germe à l'origine de l'infection ainsi que le mode de transmission (l'eau ou les aliments). L'utilisation systématique du vaccin n'est pas recommandée et un prélèvement sanguin peut, après analyse, confirmer immédiatement la présence du germe. La lutte contre l'épidémie dépend de ses causes. Des échantillons d'aliments et d'eaux suspects doivent être prélevés pour analyse au laboratoire. Il est également recommandé d'interdire la consommation de l'eau des zones contaminées et de prévoir une purification de l'eau et des moyens d'assainissement temporaires en attendant de pouvoir appliquer des mesures à plus long terme. Quelles sont les actions préventives pour éviter de telles épidémies ? Il faudrait d'abord que les responsables de la santé publique mènent des campagnes d'information et de sensibilisation auprès des populations vulnérables en les habituant, par exemple, à la javellisation de l'eau, des légumes et des fruits. Ensuite, ce sont les services techniques qui se chargent du reste en contrôlant les réseaux d'AEP, d'assainissement, les affluents des sources tout en procédant à des analyses périodiques de ces eaux.