La France, en première ligne dans la guerre au Mali, bénéficie d'informations de drones et de satellites américains en complément de ses propres capacités de renseignement, essentielles pour un succès de l'opération, selon des experts. Echanges bilatéraux de renseignements humains (agents) et techniques (écoutes, imagerie...): depuis des lustres, les services de renseignements militaires et civils français entretiennent des relations soutenues mais discrètes avec leurs homologues américains et européens. "Les échanges d'informations franco-américains sur le Mali se sont multipliés dès le début de l'occupation du nord du pays par des groupes islamistes armés", estime Eric Denécé, directeur du Centre français de recherche sur le renseignement (CF2R). Après le lancement de l'opération "Serval" au Mali, Paris a demandé à Washington d'apporter un soutien en matière de renseignement, de transport aérien et de ravitaillement en vol. Et la semaine dernière, le secrétaire américain à la Défense Leon Panetta a assuré que les Etats-Unis étaient disposés à fournir un "appui logistique" à la France et une aide en matière de renseignement contre les islamistes, dont ceux d'Al-Qaïda au Maghreb islamique (Aqmi). "Nous avons toujours été préoccupés par les efforts d'Al-Qaïda en vue d'établir des bases", a souligné M. Panetta. "Notre engagement depuis le 11 septembre (2001, ndlr) a été de poursuivre Al-Qaïda où qu'il soit pour être sûr qu'il n'ait nulle part où se cacher". Depuis la création en 2008 du commandement des forces armées américaines en Afrique (Africom), les Américains ont déployé quelque 5.000 hommes, des drones, des avions de reconnaissance et des stations d'écoute dans toute l'Afrique, y compris au Sahel, explique Eric Denécé. Ratissage systématique Dans le cadre du plan "Tusker Sand", les services de renseignement américains ont mis des régions entières de l'Afrique sous la surveillance de petits avions Pilatus, bourrés d'électronique. "La panacée de la chasse aux 4X4 des groupes islamistes armés, c'est la vidéo des drones américains", explique sous couvert de l'anonymat l'ancien chef d'un service de renseignement français. Selon lui, les Américains mettent en œuvre depuis Djibouti des drones stratégiques Hale (Haute altitude longue endurance) d'une autonomie de 24 heures et capables de parcourir plusieurs milliers de kilomètres. Ce type de drone, dont la France ne dispose pas, est "idéal pour chercher un convoi de pick-up en ratissant systématiquement une zone, ce que ne peuvent pas faire les avions de reconnaissance ou les satellites". Les images, les vidéos et les écoutes recueillies par ces drones sont instantanément expédiés, via le très puissant réseau de transmissions satellitaires, vers les centres d'analyse américains. Les Américains, ajoute cet ancien responsable, disposent également d'un "immense réseau d'écoutes par satellites et d'avions-espions qui captent et décryptent les conversations transmises par les téléphones satellitaires des groupes islamistes armés". Mais ces derniers "savent qu'ils sont écoutés et observent au maximum le silence radio, montant même des opérations de +déception+ (tromperie) en émettant avec leurs téléphones satellitaires à plusieurs centaines de kilomètres de leurs opérations effectives". A un niveau moindre, rappellent les deux spécialistes, la France peut aussi compter sur les bourses d'échanges d'images avec l'Italie et avec l'Allemagne. Les militaires allemands exploitent un système stratégique de cinq satellites d'images radar SAR-Lupe. "Et, conclut l'ancien patron d'un service de renseignement, à mesure que l'armée malienne va se déployer dans le nord du pays, la France disposera d'un niveau de renseignement humain de plus en plus conséquent".