L'ancien village garde encore son charme, avec ses maisonnettes et ses ruelles étroites. Toutefois, la population, de plus en plus nombreuse, est contrainte de vivre dans des baraques faute de logements. Le contraste commence au milieu du village. L'ancienne muraille turque qui barre la route est une sorte de frontière naturelle entre les deux parties du quartier.La partie inférieure du mur relève de la commune de Birkhadem et la partie supérieure de celle de Bir Mourad Raïs. Le partage de l'ancien village se remarque au vu de l'état même de la chaussée. Les routes qui dépendent de Birkhadem sont dans un état déplorable, contrairement à celles situées sur le territoire de Bir Mourad Raïs. Les administrations locales ne sont font pas de cadeau : le bitumage de la chaussée s'est arrêté au pied de la muraille, du côté qui relève de Bir Mourad Raïs. De l'autre côté, c'est le laisser-aller. Le village est situé à quelques kilomètres de Sebbala (El Achour). A la sortie d'El Achour, les visiteurs tombent directement sur l'hôpital de Tixeraïne. La route est pleine de crevasses. La situation est encore plus critique au niveau du pont qui enjambe un oued charriant des eaux usées.L'entrée de l'ancien village se trouve à gauche, à une centaine de mètre du pont. En quittant la voie principale, on tombe sur un chemin à double sens qui se trouve dans un état de dégradation sans pareille. En plus de la détérioration de la chaussée, le chemin est trop étroit pour laisser passer deux véhicules à la fois dans les deux sens. Quand deux automobilistes se rencontrent, ce qui est le cas le plus souvent, ils procèdent à plusieurs manœuvres pour se libérer des nœuds. La situation se complique quand cette rencontre entre voituriers coïncide avec la présence des passants. Les piétons sont ainsi obligés de se coller au mur pour faciliter la tâche aux automobilistes.L'entrée inférieure de l'ancien village est étroite de nature. La chaussée ne cesse toutefois de se rétrécir à cause des affaissements de terrain. Si la commune de Birkhadem ne prévoit pas d'élargir l'accès, elle a toutefois procédé à la pose de voiles empêchant les affaissements.«La chaussée s'est dégradée parce qu'elle est constamment sollicitée par les piétons», affirme un boutiquier qui travaille sur la voie principale. En fait, le chemin de l'ancien village constitue un raccourci. Il permet de sortir de l'hôpital et de se rendre à Saïd Hamdine (entrée du parc zoologique d'Alger) en un rien de temps par rapport au trajet à faire en empruntant la voie principale. L'ancien village se trouve justement à 300 m de cette voie.
«C'est notre Casbah» Une fois arrivé à la muraille, les automobilistes font la chaîne pour traverser dans les deux sens. Le passage ne permet pas plus que cela. Autour de la muraille, c'est la grande place. Le rempart a vu trois de ses quatre accès bouchés. Autrefois, ils donnaient sur de vastes vergers, mais aujourd'hui, ils sont bitumés.A ce niveau, pour les cacher, quelques locaux commerciaux ont été érigés. La place se présente comme le fond d'un puits. Tout autour, on voit de nouvelles constructions qui disputent la place aux maisonnettes de Tixeraïne, mais surtout un tas de baraques qui surplombent le carrefour. Mahmoud est un jeune commerçant.Il vend des fruits et légumes dans une boutique (un garage) qui donne sur la grande place. Quand on l'a interrogé sur Tixeraïne, il n'a pas hésité à répondre : «C'est notre Casbah !» Plus qu'une casbah, l'endroit est d'abord un village type de Kabylie. «La plupart des habitants sont des Kabyles», précise un autre boutiquier. Pour rendre la chose intéressante, Mahmoud déclare fièrement : «C'est ici qu'est né Saïd Allik, le président de l'USMA.» Depuis le carrefour, il y a une seule route qui conduit au cœur du village.Les lieux sont chargés d'une très longue histoire. Dès l'entrée, l'on remarque une petite fontaine tarie. «Depuis la construction du Mouflon d'Or de Bir Mourad Raïs, l'eau ne coule plus», rappelle le boutiquier d'en face.Sur le fronton de la fontaine, une calligraphie mentionne le nom de Hassan Pacha et précise l'année 1212. La construction de Tixeraïne devrait donc remonter à cette époque-là. En face de la fontaine, on a implanté un panneau de signalisation indiquant un sens interdit. «Le village est aussi interdit aux autorités locales. Tout ce qui y est construit est le seul fruit de l'effort de ses habitants», ironise le commerçant.Ce dernier cite, à titre d'exemple, la reconstruction de l'une des deux mosquées (d'où le nom de Tixeraïne) et le bitumage des ruelles. Ici, il suffit d'évoquer les services de l'APC de Birkhadem pour voir les gens changer de mine : «Ils ne font rien car ils nous détestent. Voilà tout !» Les autorités locales leur rendent la pareille.Pour héberger une population de plus en plus nombreuse, il a fallu construire des baraques, faute de logements. «Je suis né au village et je réside dans un gourbi depuis 25 ans.» C'est là l'aveu d'un homme de 50 ans qui se dit de la famille Allik. Notre guide occupe une baraque installée sur la partie supérieure du village qui dépend de Bir Mourad Raïs.Finalement, la majorité des accès du grand mur ont été bouchés parce qu'ils donnent directement sur un immense bidonville. Il fallait y penser.