Œuvre millénaire d'Ibn el Muqafaa, traduite dans une myriade de langues, "Kalila wa dimna", possède désormais sa version en Tamazight. Sa parution est l'apanage du poète Boualem Messoussi, auteur déjà de la traduction des Fables de la Fontaine, qui du reste n'en sont qu'une "copie revisitée" du poète arabe, et qui lui-même, en a tirée la substance, des "Fables de Bipai", dont l'origine remonte à l'an 200, coïncidant avec l'épopée de la fondation de la civilisation indienne. La nouvelle traduction, présentée, samedi, dans le cadre des activités du "Café littéraire de Bejaia", met en relief un monde animalier en mouvement, désordonné mais en quête d'ordre, faisant la part belle à la raison du plus fort et à la ruse, le tout enrobé de moral et de sagesse. Nouée autour d'un parcours de deux chacals Kalila et Dimna, dans un univers, occupé sans partage par le roi lion, l'œuvre déroule des situations singulières, voire fantasmatiques, dont l'enchâssement, croque les furies comportementales des gouvernants et des potentats. "Kalila wa dimna…c'est une leçon de vie, un livre d'éducation morale et civique", déclare l'auteur, qui visiblement, a pris soin de ne pas assurer une traduction littérale de l'œuvre, mais de ne saisir que son esprit, rendu, dans une poésie chatoyante et à la portée de tous. "C'est un effort d'adaptation à la réalité linguistique et imaginaire du pays", précise-t-il, soulignant que la plupart des scènes et métaphores utilisées "ont été puisées de locutions amazighes connues et du langage coutumier locale". "Cela n'a pas été facile, car souvent je me suis retrouvé face à des situations inadaptées. Beaucoup de noms d'animaux, à titre illustratif, n'ont pas leur équivalent en Kabyle. Il a fallu les remplacer par des désignations analogues mais non conformes. L'exemple le plus édifiant étant la mangouste, un animal mangeur de serpents, très répandu en Inde, mais inexistant en Algérie. J'ai du la remplacer par la chatte, qui plus ou moins assure les mêmes fonctions", explique-t-il. L'œuvre, bâtie sur une vingtaine de fables, a été traduite de la version française de "Kalila wa Dimna" et non du texte original d'El muqafaa, produit à l'époque de l'empire abbasside, en l'an 750 et qui constitue toujours un repère majeur de la littérature arabe.