Des hélicoptères et des militaires étaient déployés sur place, à notre arrivée dimanche matin, à l'aéroport Zarzaitine d'In Amenas, dans la wilaya d'Illizi, à environ 1082 km au sud d'Alger. Les mesures de sécurité sont strictes. L'arrivée d'une délégation présidée par le Premier ministre Abdelmalek Sellal n'explique pas à elle seule ces mesures. C'est à 50 kilomètres de l'aéroport que se trouve la base de vie de Tiguentourine, où il y a quelques semaines, un groupe de terroristes avait pris en otages des centaines de travailleurs algériens et étrangers qui se trouvaient dans cette base de vie Sonatrach-British Petroleum-Statoil. Pas seulement, puisque la région connaît une effervescence populaire, provoquée par le chômage. «Certains tentent de provoquer une cassure entre le nord et le sud du pays. Nous sommes tous à bord du même navire. Nous sommes venus pour prendre connaissance de vos préoccupations et pour que vous nous aidiez», a lancé le Premier ministre à In Amenas. Une déclaration qui illustre la préoccupation des pouvoirs publics à l'égard des populations de cette région. Des barrages de l'Armée nationale populaire et ceux de la Gendarmerie nationale sont installés tout le long de la route menant vers la base de vie. Des points de contrôle de l'ANP et de la Gendarmerie étaient postés aux endroits stratégiques, leur permettant d'anticiper toute nouvelle attaque terroriste à partir des frontières toutes proches. L'usine de production de gaz est soumise à de draconiennes mesures de sécurité. Un char et posté à l'entrée. Un autre un peu plus loin. Des membres des forces spéciales sont positionnés dans tous les coins. Un portique de sécurité est installé à l'intérieur. Tout ce qui est métal est détecté par cet appareil. Une fois cette étape franchie, les personnes accédant à l'intérieur de l'usine doivent passer par un deuxième portique de sécurité avant d'accéder à un espace où une estrade a été aménagée pour les responsables devant prononcer un discours. Parmi eux, le Premier ministre Sellal, des ministres et le secrétaire général de l'Union générale des travailleurs algériens (UGTA). «C'est le président Abdelaziz Bouteflika qui a donné ordre à ce que le 42e anniversaire de la nationalisation des hydrocarbures et le 57e de la création de l'UGTA soient célébrés ici, à Tiguentourine», a annoncé M. Sellal. «On vous parle d'islamistes. Moi, je dis que ce sont des mercenaires et des terroristes qui ont attaqué la base de vie de Tiguentourine pour frapper la souveraineté et l'indépendance économique de notre pays», a lancé le Premier ministre. «Certains n'ont pas accepté l'idée que l'Algérie commence à respirer», a-t-il ajouté. «Si l'usine avait explosé, le drame aurait touché un périmètre de 40 à 50 km» Une médaille a été remise au cours de la cérémonie aux parents de l'Algérien Mohamed Lamine Lahmar qui, au péril de sa vie, a tiré la sonnette d'alarme, lors de l'attaque terroriste contre la base de vie de Tiguentourine, permettant, ainsi, à de nombreuses personnes de se mettre à l'abri. Une médaille a été également remise à un représentant des victimes étrangères de cette attaque terroriste. En arrière plan de la scène de la cérémonie, l'usine, dont une partie présente toujours des traces d'incendie. Les terroristes avaient tenté de faire exploser tout le site gazier. Youcef Yousfi, ministre de l'Energie, a déclaré, lors de sa prise de parole, que l'attaque terroriste a fait 40 morts et des centaines de blessés. Quant au Premier ministre Abdelmalek Sellal, il a estimé que «n' importe quelle puissante armée dans le monde aurait trouvé d'énormes difficultés dans la prise d'assaut contre les preneurs d'otages», se «félicitant de la bravoure et du degré de professionnalisme de l'armée algérienne». «Vous pouvez être fiers de votre armée», a ajouté le Premier ministre. «Les terroristes auteurs de cette attaque voulaient faire exploser l'usine. Si ils avaient réussi leur plan machiavélique et criminel, l'explosion de l'usine aurait causé un drame», a ajouté Abdelmalek Sellal. «Les Britanniquesont refusé la réouverture de l'usine le 11 février» A la fin de la cérémonie, la délégation a visité l'usine. Un cadre expliquait au Premier ministre les réparations faites et l'informait sur le degré d'avancement des travaux. Il évoquait les impacts des balles ayant nécessité une procédure pour la réparation. L'usine est composée de trois trains et des parties communes. «Seule le premier train est fonctionnel pour le moment. Si tout va bien, le deuxième pourrait entrer en fonction en avril prochain, selon le cadre. «Nous étions prêts à rouvrir le 11 février mais les Britanniques ont refusé la réouverture de cette usine avant qu'ils ne fassent eux-mêmes les vérifications», nous a annoncé le même cadre de l'usine de Tiguentourine. «Maintenant, le premier train est rouvert et le deuxième train pourrait l'être d'ici le mois d'avril, si tout va bien. La réouverture du troisième train n'est pas une priorité pour le moment», a-t-il ajouté. «Entendez ce bruit. Il veut dire que le train est en marche. Là, par contre, le bruit n'est pas aussi intense. C'est parce que le train n'est pas encore en marche», nous a-t-il expliqué. «Nous réclamons un syndicat pour l'usine» A la fin de la cérémonie, des travailleurs de l'usine ont abordé le secrétaire général de l'UGTA, Abdelmadjid Sidi Saïd. «Nous avons dépassé les horaires de travail de la normalité et nous n'avons pas encore pu créer une section syndicale pour défendre nos droits», ont-ils lancé. «Vous m'adressez un fax», leur a répondu le secrétaire général de l'UGTA en leur donnant «le numéro du fax» de son bureau, précise-t-il. Les travailleurs reviennent à la charge : «Aidez-nous à créer notre section syndicale, car nous pourrons alors défendre nos droits.» Un des travailleurs de l'usine de Tiguentourine nous dira : «On refuse de façon indirecte de créer un syndicat. La création d'une section syndicale est nécessaire pour défendre nos droits.» «Nous sommes environ 1100 travailleurs, algériens et étrangers, dans cette usine et il y a environ 700 travailleurs à TFT, près de là, et ils ne veulent pas que nous créons notre section syndicale», a-t-il ajouté. La délégation se dirige, ensuite, à la base de vie pour la baptiser du nom de Mohamed Lamine Lahmar. Après cette étape, le cortège se rend à In Amenas, à 50 km du site gazier. Le Premier ministre Abdelmalek Sellal et les membres de la délégation avaient rendez-vous avec des notables de la région. La salle est comble. Les mesures de sécurité pour y accéder étaient, également, rigoureuses. «La réconciliation nationale est toujours là» Des lettres lues aux noms des notables de la wilaya d'Illizi souhaitent la bienvenue au Premier ministre et à la délégation qui l'accompagne et félicitent l'ANP pour s'être opposée avec un grand professionnalisme aux auteurs de la prise d'otages de la base de vie de Tiguentourine. Dans leurs interventions, tous les notables et jeunes de la région ont exprimé les souffrances endurées par la population locale à cause du chômage. «Sonatrach a plusieurs filiales ici et on nous refuse d'y travailler», ont-ils lancé. «Il faut des ouvriers qualifiés pour Sonatrach ou les sociétés étrangères établies dans cette région. Ils ont des cahiers des charges», a expliqué Abdelmalek Sellal. «Nous ne pourrons pas autoriser Sonatrach à recruter des personnes sans qualification pour des postes qui exigent des qualifications. Les hydrocarbures sont très dangereux», a ajouté le ministre de l'Energie. Les deux responsables ont recommandé aux jeunes de faire des formations en vue de leur recrutement. «Nous ferons ce qui est en notre possible, et vous également, vous devez nous aider à convaincre les personnes ayant basculé dans le terrorisme d'y renoncer», a demandé le Premier ministre aux notables. «S'ils ont des droits, nous sommes prêts à les faire recouvrir dans le cadre de la légalité. Il y a aussi la réconciliation nationale. Parlez-leur et dites-leur de renoncer au terrorisme», a-t-il ajouté. Pour exprimer, d'autre part, la détermination de l'Etat à lutter contre le terrorisme, M. Sellal a lancé : «Nous n'acceptons pas qu'une personne qui se procure une Kalachnikov en Libye vienne nous terroriser.» Les notables et les jeunes de la région ont fait part des problèmes socio-économiques, souvent durs, qu'ils subissent. Ils ont aussi émis le vœu de la réalisation d'une voie ferroviaire reliant les wilayas du sud du pays. Une demande à laquelle le Premier ministre a répondu : «Le projet est sur le bureau du ministre des Transports qui est déterminé à le prendre en charge.» Les habitants de la région ont également demandé la réalisation d'une cimenterie. «La cimenterie la plus proche se trouve très loin, dans une autre wilaya», ont-ils indiqué. Pour ce qui est de l'éloignement, le Premier ministre a promis la création de villages dans les wilayas du Sud. «Nous l'avons fait avec la création de quatre villages entre Tamanrasset et In Salah. Cela a permis la réduction des distances», a-t-il lancé.