Le président français François Hollande et son homologue russe Vladimir Poutine ont pris acte jeudi à Moscou de leurs divergences sur la Syrie au cours d'une rencontre qui a laissé dans l'ombre la question des droits de l'Homme en Russie. "Nous avons le même objectif même si nous divergeons sur le moyen d'y parvenir", a déclaré le chef de l'Etat français en évoquant la Syrie à l'issue d'une conversation marathon de près de quatre heures avec son homologue russe sous les ors du Kremlin. L'objectif commun, a enchaîné François Hollande est d'éviter "la dislocation de ce pays" et ne pas "laisser les terroristes profiter de ce chaos". "Il n'y a pas de temps à perdre", a-t-il insisté, mais les voies et moyens pour y parvenir restent plus qu'incertains. François Hollande l'a constaté lui-même: la France continue de faire du départ de Bachar al-Assad un préalable à la recherche d'une solution politique, ce que récuse Moscou. "Nous avons discuté de manière très intense, et nous nous sommes même quelque peu chamaillés", a indiqué M. Poutine. Plus tard dans la soirée, M. Hollande a évoqué l'hypothèse d'un médiateur "qui pourrait avoir la confiance du régime et de l'opposition syrienne". La Russie, qui continue de livrer des armes à Damas, a jusqu'ici bloqué, avec la Chine, tous les projets de résolution du Conseil de sécurité de l'ONU condamnant le régime du président Assad. Puis les deux dirigeants se sont livrés à un numéro de duettistes. "Il me semble qu'il est impossible d'y voir clair (sur la Syrie) non seulement sans une bouteille de bon vin, mais sans une bouteille de vodka", a plaisanté Vladimir Poutine. Peut-être "grâce à une bouteille de Porto", a rebondi François Hollande. Reprenant sur un registre plus grave, les deux dirigeants ont en revanche affiché leur unité sur l'Iran, soupçonné de vouloir se procurer l'arme atomique sous couvert d'un programme nucléaire civil. "Tout doit être fait pour convaincre l'Iran de renoncer sans conditions à l'accès à l'arme nucléaire", a martelé M. Hollande. Celui-ci a fait en revanche profil bas sur la situation des droits de l'Homme en Russie, pays qui a connu l'an dernier, selon l'ONG américaine Human Rights Watch (HRW), les "pires répressions" contre la société civile depuis la chute de l'URSS. "Je n'ai pas à juger, je n'ai pas à évaluer, j'ai simplement à constater. Et lorsqu'il y a des manquements, je le fais. Et je le fais pour qu'ils soient réglés, et non pas pour qu'ils soient simplement brandis", a tout juste déclaré le président français. Avant de regagner Paris, François Hollande a rencontré des militants des droits de l'homme, qui lui ont demandé d'adopter comme aux Etats-Unis une loi "Magnitski" prévoyant des sanctions contre des responsables russes impliqués dans des violations des droits de l'homme. Mais ceux-ci ont déploré le fait que le président français avait éludé la question. Sans doute, a-t-il voulu ménager une relation économique avec la Russie que la France entend désormais faire progresser à marche forcée pour sortir elle-même de l'ornière de la crise économique. Il a ainsi promis de "faciliter" les investissements russes en France. "L'enjeu est simple: être davantage présent sur le marché russe, exporter davantage, créer des emplois, attirer des capitaux russes en France", a-t-il insisté. A ce propos, la Caisse des dépôts et consignations, bras financier de l'Etat français, a signé en présence des deux présidents, un accord avec un fonds souverain russe pour développer des investissements croisés. Le "stock" d'investissements français en Russie est encore près de dix fois supérieur à celui des investissements russes en France. Signe d'un certain réchauffement de leurs relations, les deux hommes ont plaisanté tour à tour, interrogés sur le climat de leur rencontre après un premier face-à-face en juin à l'Elysée qui avait paru glacial. "Approchez-vous, vous allez sentir si c'est chaud", a répondu du tac au tac le président russe interrogé par la presse, déclenchant rires et applaudissements. "Pour la chaleur, vous jugerez vous-mêmes" et prendrez "régulièrement la température de nos relations", a enchaîné François Hollande. Le grand absent de la journée aura finalement été l'acteur Gérard Depardieu, dont les frasques et le passeport russe accordé par Vladimir Poutine en personne alimentait la chronique depuis des semaines. Pas un mot non plus sur les deux jeunes femmes du groupe punk Pussy Riot toujours embastillées pour avoir entonné une "prière anti-Poutine" dans une cathédrale de Moscou.