Rien ne va plus à Rome : les élections législatives n'ont accouché d'aucune majorité et le trône du pape est vacant, depuis que Benoît XVI est devenu le premier pape en 700 ans à renoncer à ses fonctions de son vivant et de son plein gré. "Sede vacante" : le terme utilisé au Vatican pour désigner cette période de transition dans l'attente de l'élection d'un pape a été repris par Ezio Mauro dans la Repubblica pour titrer son éditorial sur... la crise politique italienne. En l'absence de majorité claire au Parlement, nul ne sait quelle solution retiendra le président de la République pour choisir le prochain chef du gouvernement. Même inconnue au Vatican où aucun "papabile" ne se détache d'entrée, quatre jours après la renonciation historique de Benoît XVI. Le suspense pourrait se dénouer à peu près au même moment. La date du conclave qui élira le successeur de Joseph Ratzinger sera fixée par les cardinaux, déjà rassemblés en "congrégations" au Vatican. Il est probable que ce soit dans la semaine du 11 mars afin de permettre au futur pape d'être prêt pour Pâques, la fête la plus importante pour les chrétiens. Pour la nomination du Premier ministre, il faudra attendre : première réunion des deux chambres du Parlement le 15 mars, élection des présidents de chambres et de commissions, puis début des consultations "exploratoires" du président de la République pour désigner un successeur à Mario Monti. Fort probable donc que Rome connaisse le nom du nouveau pape avant celui du nouveau chef du gouvernement italien... En attendant, le télescopage est présent dans tous les esprits. Il a suffi que les "grillini", les tout nouveaux élus émules de l'ex-comique Beppe Grillo, se réunissent à huis clos pour que toute la presse italienne parle de "conclave". Même si leurs travaux sont diffusés en streaming sur leur site web, tandis que les cardinaux devront, eux, remiser au placard leurs téléphones portables avec interdiction de toute communication à l'extérieur -sms, messages, tweets...-, sous peine d'excommunication. Dernière victime en date de cette coïncidence historique : le cardinal ghanéen Peter Turkson. Des affiches appelant le Sacré Collège à voter pour lui ont été placardées vendredi dans le centre de Rome par un groupe d'artistes. "Au conclave, votez Peter Kodwo Appiah Turkson !", proclame l'affiche, illustrée par un portrait du prélat africain les yeux levés au ciel, qui parodie les affiches électorales encore présentes dans les rues après les élections législatives italiennes. Les deux scrutins n'ont rien à voir, même si Ferruccio Sansa du Fatto quotidiano note que "les Italiens ont toujours confondu la sacralité de Dieu et celle de César". Pourtant dans les deux cas des scandales à répétition ont ouvert la voie à une crise : Vatileaks et pédophilie au sein de l'Eglise catholique, corruption, abus de biens publics, voire même prostitution dans la classe politique italienne. Dans les deux cas, des demandes d'aggiornamento, de rajeunissement, d'honnêteté sont formulées. Mais selon le Fatto, la réponse a paradoxalement été plus moderne du côté du trône de Saint-Pierre. "Pendant que le pape cesse d'être pape et passe à l'Histoire en peu de gestes et phrases simples, ouvrant la voie à une rénovation de la plus antique institution du monde, la politique italienne et le journalisme politique se perdent en pratiques byzantines surannées et formules politiciennes désuètes", écrit Marco Travaglio. "Aujourd'hui, Rome est vide, dans l'attente que quelqu'un vienne occuper ses palais", sur les deux rives du Tibre, relève de son côté Sansa, qui se prend à espérer : "les lieux du pouvoir peuvent être aussi ceux où se dessine un avenir meilleur". Pour lui, celui qui accédera au pouvoir, d'un côté comme de l'autre, "doit être conscient de la tâche immense qui l'attend : inventer une autre Renaissance".