Les cardinaux se sont retrouvés lundi au Vatican dans les premières "congrégations" pour préparer le conclave, repérer les "papabili", et aussi pour une grande explication en toute franchise sur la gestion de l'Eglise par la Curie. Vers 9H00 (08H00 GMT), des cardinaux ont commencé à affluer vers la "salle du synode", qui venus à pied, qui sortant d'autocars, comme la puissante délégation américaine conduite par le charismatique cardinal de New York Timothy Dolan. Les 209 cardinaux, électeurs (moins de 80 ans) ou non, ont été convoqués par le cardinal Angelo Sodano, doyen du Sacré collège. Quelques-uns, trop âgés ou malades, se sont excusés. La plupart de ceux qui venaient de l'extérieur de Rome sont arrivés mais pas tous. La date très attendue du Conclave ne pourra être connue (à l'issue d'un vote à la majorité absolue) que lorsque tous les électeurs -- 115 annoncés -- seront présents. Parmi les absents, l'ancien primat d'Ecosse, Keith O'Brien, a admis dimanche avoir eu des "comportements déplacés" à l'égard de jeunes prêtres de son diocèse, après que sa démission eut été acceptée par Benoît XVI la semaine dernière. Cet aveu met crûment en lumière un malaise quant aux mœurs au sein de l'Eglise, dont les préceptes de chasteté et de pureté ne sont pas toujours observés par ses membres. Une clarification sur ces sujets, ainsi que le dossier brûlant des cardinaux --dont certains présents aux congrégations-- accusés d'avoir protégé des prêtres pédophiles, devrait intervenir. Benoît XVI avait congédié des dizaines d'évêques infidèles à leurs vœux pendant ses huit ans de pontificat. Ces premières "congrégations" permettront aux cardinaux venus des cinq continents et qui ne se connaissent pas bien, de prendre langue, de voir où va le vent. Pour 67 électeurs, c'est le premier conclave. C'est lundi ou mardi que doivent être prises des dispositions pratiques en vue du Conclave dans la Chapelle Sixtine. Par exemple le feu vert pourrait être donné à l'aménagement et à l'installation de la fameuse cheminée par laquelle une fumée blanche indiquera urbi et orbi l'élection du 266ème pape. Selon les interviews de cardinaux et des vaticanistes, le gouvernement de l'Eglise devrait être au centre des explications, qui peuvent être très franches, à l'abri du huis clos. Les turbulences au Vatican, comme le scandale des fuites "Vatileaks" et, récemment, les spéculations sur un prétendu "lobby gay", sont mal perçues par les cardinaux venus d'ailleurs. Selon eux, ils déforment l'image d'une Eglise à maints égards dynamique et courageuse, confrontée à des problèmes de survie. Benoît XVI, très respecté pour son message religieux et sa cohérence, se voit en revanche reprocher de n'avoir su réformer le gouvernement central de l'Eglise. En arrivant au Vatican, le cardinal archevêque de Paris, Mgr André Vingt-Trois a estimé que le futur pape devra affronter les problèmes de la Curie. "Je pense que nous sommes là pour la semaine et quelques jours de la semaine prochaine. Nous prendrons tout le temps qu'il faut pour déterminer de quelle sorte de pape nous avons besoin. J'aimerais qu'il soit polyglotte, homme de foi, de dialogue. Il pourrait être jeune mais pas obligatoirement. Le nouveau pape aura nécessairement à affronter les problèmes dans la Curie", a déclaré le prélat français. Selon le vaticaniste Andrea Tornielli de La Stampa, la réduction des structures de la Curie et la lutte contre le carriérisme interne seront des propositions sur la table. Pour le cardinal espagnol Carlos Amigo Vallejo, "Vatileaks, c'est beaucoup de bruit pour rien, des problèmes d'organisation, de perfectionnement de la structure". Les chrétiens d'Afrique "ne se préoccupent pas beaucoup des petits problèmes de notre vie interne et de notre organisation", ajoute-t-il un peu amer. Deux perceptions pourraient d'opposer: celles des cardinaux de la Curie et celles des cardinaux de terrain. Pour trouver le pape pasteur, spirituel, garant de la tradition et à poigne, le choix paraît très ouvert: il n'y a de favori et de camps préétablis. Les noms les plus cités sont ceux de l'Italien Angelo Scola, l'Autrichien Christoph Schönborn, le Hongrois Peter Erdö, l'Américain Sean O'Malley, le Québécois Marc Ouellet, le Brésilien Odilo Scherer, le Ghanéen Peter Turkson et le Philippin Luis Antonio Tagle. Numériquement et psychologiquement, les chances d'un Occidental sont plus fortes qu'un "papabile" du Sud, qui même talentueux, serait moins connu.