Le thème de l'exil des immigrés algériens en France, entre 1954 et 1962 (période correspondant à la guerre de libération nationale), est au centre d'une exposition dédiée à l'immigration algérienne durant cette période de l'histoire nationale qui se tient à Paris, à l'initiative de la Cité nationale de l'histoire de l'immigration. Proposée par les historiens, Linda Amiri, Benjamin Stora et la chef de projet, Hédia Yelles-Chaouche, cette exposition, d'une rare richesse documentaire, propose au visiteur une plongée inédite dans le quotidien des travailleurs algériens en France, entre 1954 et 1962, et éclaire sur l'apport particulier de la mémoire dans l'histoire de la guerre de libération nationale. Elle incite, surtout, à aborder les diverses réalités de vie des migrants algériens, à travers la question de la vie sociale (travail, école, logements, loisirs, vie culturelle), et de l'accueil accordé à l'immigration algérienne par les français, partagé entre méfiance, rejet et solidarité, ainsi que de leur engagement politique et syndical. L'exposition est riche de photographies, dont centaines ont été prises par Monique Hervo, qui partagea le quotidien de cette immigration forte de 350.000 personnes, en 1954, d'enregistrements sonores, d'entretiens, d'extraits de films, de coupures de presse, d'accessoires et tenues vestimentaires de l'époque, ainsi que de toiles. Des toiles d'illustres artistes peintres algériens figurent parmi cette exposition, tels que M'Hamed Issiakhem, Mohamed Khadda, Abdallah Benanteur, engagés tous dans la lutte pour l'indépendance, ainsi que des toiles d'artistes peintres étrangers dont, Roberto Matta (Chili) et l'Islandais Erro, qui a pointé du doigt, à travers son tableau "Rats-cistes" l'ambiance choquante du racisme conte les Algériens dont il était témoin. La vie réelle de ces milliers d'ouvriers contraints à l'exil par le système colonial, se passionnant pour la politique, discutant dans les cafés, écoutant la radio, lisant ou se faisant lire le journal, au moment où l'Algérie était en guerre, est dévoilée dans toute sa dimension à travers plusieurs photographies. Par ailleurs, un documentaire exceptionnel de l'INA (Institut national de l'audio-visuel-France), relatant les conditions de vie des Algériens confinés dans certains métiers, combien même ils étaient formés et possédaient des diplômes, tout cela dans un contexte de racisme latent, est diffusé en boucle au visiteur. Les documents iconographiques, servant de support à l'exposition, montrent aussi des immigrés algériens entassés dans les baraquements des mines du nord de la France, vivant dans des conditions sordides, agglutinés à plusieurs dans des chambres d'hôtels sans aucune commodité. D'autres documents de la préfecture de police, ainsi que des registres d'hôtels faisant l'inventaire de ceux qui hébergent les ouvriers algériens, plongent le visiteur dans l'ambiance répressive du système policier français qui tissait sa toile d'araignée autour des immigrés algériens, pour les surveiller en cette période de guerre. La danseuse du cabaret oriental "El Djazaïr" à Paris, la célèbre Sherazade qui, le soir se produisait devant son public et le matin fonçait en trombe dans va voiture vers l'Allemagne et la Belgique, acheminant armes et argent pour le compte du Front de libération national (FLN), a également été saluée à travers cette exposition qui lui a réservé un espace non négligeable. Hommage au militant de la cause nationale, Adolfo Kaminsky Un hommage a été également rendu, à l'occasion de cette exposition, au militant de la cause nationale, Adolfo Kaminsty, résistant de la deuxième guerre mondiale, qui devint membre du réseau Jeanson de soutien au FLN et prit tous les risques pour cacher les nationalistes algériens et les membres du réseau en leur fabriquant de faux papiers d'identité pour échapper aux rafles de la police parisienne. Le parcours de l'exposition se divise en cinq parties distinctes: "La vie sociale", "Le rapport à la société française", "La passion politique", "Les événements tragiques du 17 octobre 1961" et enfin "L'indépendance nationale". Ainsi, au volet de la vie sociale, l'exposition dévoile les difficultés de l'exil et le combat mené par ces milliers d'Algériens à partir de la France, et lève le voile également sur la réalité des bidonvilles, symbole de leur isolement, où ils sont cantonnés, ainsi que l'environnement dégradé et hostile où ils sont contraints d'évoluer. Sur leur rapport à la société française, l'exposition met à la disposition du visiteur des documents qui révèlent, aussi, que jusqu'en 1954, les ouvriers algériens, organisés dans les syndicats français, participent à tous les mouvements sociaux, mais la guerre de libération vient bouleverser leur quotidien et les tensions s'exacerbent entre eux et les français. Dès 1958, des institutions spécifiques sont alors créées pour les surveiller tel que le "Service d'assistance technique aux Français musulmans d'Algérie" et le "Centre d'identification de Vincennes". Cette méfiance est cependant contrebalancée par un mouvement de solidarité, comme le confirme le témoignage apporté par l'exposition sur la Cimade, service d'entraide se consacrant à l'accompagnement des étrangers migrants, ou l'action des Comités de paix dont l'engagement totale pour la cause algérienne est inscrit dans l'histoire. Au volet de la "Passion politique", l'exposition parcoure, à travers plusieurs supports écrits et audiovisuels, les réunions politiques clandestines, les journaux, les tracts, les manifestations, ainsi que les cotisations versées par ces travailleurs immigrés au FLN. "Il nous a fallu 18 mois de travail pour montre cette exposition, Benjamin Stora, Linda Ami, mon assistante et moi. Nous sommes partis d'une proposition de synopsis, nous avons avancé dans nos réflexions, avec des fonds documentaires connus, et des préteurs particuliers, soit plus de d'une soixantaine qui se sont manifestés et permis de valoriser le fonds déjà existant", a confié à l'APS, Mme Hedia Yelles-Chaouche. Pour monter cette exposition qui se poursuivra jusqu'au mois de mai, l'équipe disposait de documents provenant des Archives nationales, du fonds de la Bibliothèque de documentation internationale contemporaine (BDIC), des archives de la préfecture de police, de la Cimade, des archives du ministère de la Défense, sans compter la solidarité des artistes Algériens et étrangers qui ont prêté leurs œuvres pour organiser cet événement, a-t-elle dit.