L'ex-ministre français du Budget Jérôme Cahuzac, inculpé pour blanchiment de fraude fiscale, a reconnu mardi avoir menti aux plus hautes autorités de l'Etat, éclaboussant le gouvernement du président socialiste François Hollande et déclenchant une tempête politique. Jérôme Cahuzac, accusé de détenir un compte à l'étranger non déclaré, avait toujours affirmé jusque-là être innocent. Il avait démissionné de son poste le 19 mars, après que le parquet eut annoncé l'ouverture d'une information judiciaire sur son affaire. "J'ai été pris dans une spirale du mensonge et m'y suis fourvoyé. Je suis dévasté par le remords", a écrit l'ancien ministre dans un communiqué publié mardi, dans lequel il demande "pardon" à François Hollande. Le chef de l'Etat avait salué à l'époque Jérôme Cahuzac, poids-lourd de son exécutif et notamment chargé d'intensifier la lutte contre la fraude fiscale, et "la décision qu'il a prise de remettre sa démission de membre du gouvernement pour mieux défendre son honneur". Son aveu entache sérieusement l'image de la "République exemplaire" revendiquée par François Hollande lors de son élection, il y a dix mois. Le président a aussitôt réagi, prenant "acte avec grande sévérité des aveux de Jérôme Cahuzac" et condamnant "une impardonnable faute morale". De la gauche au pouvoir à l'opposition de droite, les critiques ont aussitôt fusé contre le menteur qui avait clamé son innocence en direct à la télévision et jusque dans l'hémicycle de l'Assemblée nationale. "Les bras m'en tombent, je n'ai pas de mots", a commenté le ministre du Redressement productif, Arnaud Montebourg. "Je ne pensais pas qu'on en était là", a-t-il ajouté. "J'ai du mal à imaginer que Hollande et (le Premier ministre Jean-Marc) Ayrault n'aient pas été au courant", a lancé Christian Jacob, chef de file de l'UMP (opposition) à l'Assemblée nationale. "Cahuzac a menti", mais "depuis quand le président de la République le sait ?", a aussi demandé la députée UMP Valérie Debord. Une attitude partagée par le tribun de la gauche radicale, Jean-Luc Mélenchon: "Où s'arrête la chaîne du mensonge ? Qui savait et n'a rien dit ?", a-t-il ajouté, tandis que ses alliés du parti communiste évoquaient un "scandale d'Etat" et une "bombe politique". "Dégâts dévastateurs" "Ce mensonge signe définitivement la fin de la gauche morale et donneuse de leçons", a jugé pour sa part le président de l'UMP, Jean-François Copé. Selon lui "le président de la République doit prendre ses responsabilités face à ce mensonge d'Etat et s'en expliquer lui-même devant les Français". Pour le centriste François Bayrou, le scandale n'éclabousse pas que la gauche au pouvoir. Il a dit craindre "des dégâts dévastateurs pour le monde politique français" dans son ensemble. Dans son communiqué, Jérôme Cahuzac a expliqué posséder "depuis une vingtaine d'années" un compte bancaire à l'étranger, doté de 600.000 euros. Cette somme provient essentiellement "de son activité de chirurgien et accessoirement de son activité de consultant", selon son avocat, Jean Veil. Le compte ouvert en Suisse "a été transféré à Singapour en 2009", a précisé l'avocat, qui évalue le montant du blanchiment à environ 30.000 euros. Chirurgien de 60 ans, Jérôme Cahuzac a fait fortune dans les implants capillaires. L'existence d'un compte de Jérôme Cahuzac à l'étranger avait été révélée en décembre 2012 par le site d'information Mediapart, qui avait aussi diffusé un enregistrement téléphonique, dont la voix attribuée à l'ex-ministre évoque la détention d'un compte dans une banque suisse, l'UBS. Dans cet enregistrement datant, selon le site, de la fin de l'année 2000, l'homme déclare: "Ca me fait chier d'avoir un compte ouvert là-bas, l'UBS c'est quand même pas forcément la plus planquée des banques". Cet enregistrement était en possession depuis douze ans de l'avocat Michel Gonelle, ex-rival politique de Jérôme Cahuzac dans le sud-ouest de la France. La police scientifique a estimé que Jérôme Cahuzac était bien la personne s'exprimant dans cet enregistrement. Passible de cinq ans d'emprisonnement, le blanchiment est notamment le fait de placer, dissimuler ou convertir le produit d'un délit.