Mis en cause depuis près d'un mois pour des plagiats et une prétendue agrégation de philosophie, le Grand rabbin de France Gilles Bernheim a annoncé jeudi sa démission, après un scandale qui fragilise le Consistoire, institution officielle du judaïsme en France. Lors d'un Conseil extraordinaire du Consistoire réunissant une trentaine de membres du corps rabbinique à Paris, Gilles Bernheim, qui avait jusque là refusé de démissionner, a finalement accepté sa "mise en congé" avec effet immédiat. Un geste salué par le président de cette instance, Joël Mergui, comme "une décision courageuse", et "approuvé" par le Conseil représentatif des Institutions juives de France (Crif), pour qui le responsable religieux "a donné du judaïsme (...) une image de rigueur conceptuelle et d'ouverture sur la cité". Le Consistoire central, qui a souligné "l'autorité et l'apport spirituels considérables" de Gilles Bernheim, l'a "remercié pour l'œuvre décisive qui a été la sienne, depuis 2008, au service et pour le rayonnement du judaïsme français". Lors de cette réunion, le Grand rabbin a présenté "ses excuses à la communauté juive de France, aux membres du corps rabbinique, à sa famille et à ses proches pour les souffrances qu'ils ont pu endurer à travers lui", selon un communiqué de ses services. Visiblement affecté, il est parti sous les applaudissements de quelques personnes postées aux balcons du Consistoire, s'engouffrant rapidement dans une berline pour échapper aux micros des journalistes. Dans son communiqué, le responsable religieux "souhaite que les faits graves qui lui sont reprochés et qui le marquent, n'occultent pas l'ensemble des actions menées au titre de ses différentes fonctions rabbiniques". Depuis plusieurs jours, les révélations s'étaient enchaînées, accablant Gilles Bernheim, 60 ans. S'empêtrant dans des explications laborieuses, il a dû reconnaître plusieurs plagiats révélés sur le net et qu'il n'était pas agrégé de philosophie contrairement à ce qu'il a "laissé dire". Selon plusieurs sources, ses défenseurs se raréfiaient de jour en jour, craignant pour la crédibilité de l'homme et du Consistoire, représentant officiel de la première communauté juive d'Europe (environ 600.000 juifs). Mercredi, son porte-parole avait démissionné sans vouloir commenter. "Crise grave" Joël Mergui a reconnu que le Consistoire faisait face à "une crise grave". "J'espère que les décisions que nous avons prises vont nous permettre de préserver l'avenir", a-t-il ajouté à la sortie de la réunion. "Les juifs de France n'en sont ni à leurs premières ni à leurs dernières difficultés". L'intérim sera, selon les statuts du Consistoire, assuré par le Grand rabbin de Paris, Michel Gugenheim. Il y aura ensuite un conseil normal du Consistoire pour définir la date d'une élection, a précisé M. Mergui. Selon un membre du Consistoire, le Conseil s'est déroulé dans une atmosphère "digne, triste et émouvante" et le retrait du Grand rabbin a été accepté à l'unanimité. "Tout le monde s'est rangé à cette solution, ça protège l'homme d'abord, ensuite ça protège la fonction et le Consistoire", a commenté Jacques-Hubert Gahnassia, président de la synagogue de la rue Vauquelin à Paris. Tous ont manifesté le souci de ne pas accabler le Grand rabbin, qui conserve ce titre. Le B'nai B'rith France, organisation laïque juive, l'a assuré de son "soutien moral", saluant "l'un des principaux intellectuels juifs actuels". Gilles Bernheim avait assis sa légitimité sur son aura de sage philosophe, n'hésitant pas à intervenir sur les grands sujets de société et à dialoguer avec les autres religions, incarnant un judaïsme orthodoxe mais ouvert. En décembre, il publiait ainsi un essai contre le mariage homosexuel, cité par l'ancien pape Benoît XVI. Certains passages avaient été "empruntés" à l'ouvrage d'un prêtre catholique, a révélé cette semaine un universitaire.