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La campagne des présidentielles loin des problèmes de la France
Election présidentielle française
Publié dans La Tribune le 09 - 03 - 2012

De notre correspondant à Paris
Merzak Meneceur

La campagne électorale présidentielle française marche-t-elle sur la tête ? C'est à y croire au regard du sujet qui fait l'objet du débat et de polémiques depuis une quinzaine de jours. Non ce ne sont pas les graves problèmes que traverse la France avec un endettement public de plus de 1 700 milliards d'euros, un chômage structurel qui accable 10% de la population active, la désindustrialisation ou le commerce extérieur avec son énorme déficit en 2011, 70 milliards d'euros, qui sont au centre des thèmes d'interventions et de réflexions de certains candidats à la magistrature suprême et à la «une» des médias. C'est un problème périphérique lancé le 18 février par l'extrême droite sur la base de mensonges et pris en vol par la droite qui fait l'objet de toute une agitation malsaine et dangereuse. C'est celui de la viande Halal ! Comme si le devenir de la France dépendait du rituel d'abattage de la viande destinée aux musulmans.
La droite et son candidat, Nicolas Sarkozy, se sont engouffrés dans la voie ouverte par une déclaration de Marine Le Pen, prononcée le 18 février. «100% de la viande abattue en Ile-de-France est halal, 100% de la viande distribuée est suspecte d'avoir été abattue selon un rituel religieux», a déclaré la candidate du Front national. Un mensonge absolu relevé en tant que tel par Sarkozy en estimant, le 21 février, que «la polémique n'a pas lieu d'être». Mais quelques jours plus tard, après certainement une nouvelle réflexion laissant croire qu'il y avait là un filon à exploiter pour capter des voix d'électeurs de l'extrême droite, le ministre de l'Intérieur, Claude Guéant, est chargé de dire que le droit de vote aux étrangers aux élections municipales, mesure qui figure dans le programme du candidat socialiste, François Hollande, conduirait à ce que «des étrangers rendent obligatoire la nourriture halal dans les cantines scolaires» et interdirait la mixité dans les piscines . Lundi dernier, c'est Sarkozy qui déclarait à Saint Quentin que «le premier sujet de préoccupations, de discussions des Français (...) c'est cette question de la viande halal». Qui a dit «la polémique n'a pas lieu d'être» ? Le même jour, la droite atteint le sommet de sa dérive avec François Fillon. Le Premier ministre apostrophe les religieux musulmans et juifs en leur demandant de «réfléchir au maintien de traditions qui n'ont plus grand-chose à voir avec l'état aujourd'hui de la science, l'état de la technologie, les problèmes de santé. On est dans un pays moderne, il y a des traditions ancestrales qui ne correspondent plus à grand-chose alors qu'elles correspondaient dans le passé à des problèmes d'hygiène».La coupe est pleine pour les représentants des cultes. Le président du Conseil français du culte musulman (Cfcm), Mohamed Moussaoui, affiche son ras-le-bol car il «ne comprend pas et n'accepte pas que l'Islam et les musulmans servent de boucs émissaires dans cette campagne». Vive réaction également du Conseil représentatif des institutions juives (Crif), qui s'est dit «stupéfait» par l'intervention du Premier ministre. Pour son président, Richard
Prasquier, «le gouvernement n'a pas à donner des conseils en matière de tradition religieuse».Même à droite il n'y a pas unanimité sur l'exploitation politique de la viande halal et l'affirmation de François Fillon. «Le problème de la viande halal est un faux problème», pour Alain Juppé, ministre des Affaires étrangères, qui refuse de se mêler «d'une guerre de civilisation». Le patron de l'UMP, J.F. Copé, a taclé son Premier ministre en ces termes : «Ce vocabulaire n'est pas le mien et ne sera jamais le mien. Personnellement, je ne
prononcerai jamais ces mots.» Opération de déminage ou posture tactique ? Lors d'une émission télévisée, mardi soir,
Sarkozy a demandé à ce qu'il soit mis fin «à cette polémique qui n'a aucun intérêt». De son côté, le Premier ministre s'est empressé de recevoir les représentants des cultes musulman et juif pour certainement corriger sa maladroite sortie. Mercredi, il a reçu, le président du Consistoire juif, Joël Mergui, qui a déclaré à l'issue de l'audience que «l'incident est clos», tout en précisant qu'il restait «en état d'alerte». Le lendemain, jeudi, ce sont les représentants du culte musulman qui ont franchi le portail de l'Hôtel Matignon. Le président du Cfcm et le recteur de la Grande mosquée de Paris, Dalil Boubakeur, ont certainement reçu les mêmes assurances pour que Moussaoui déclare à l'issue de l'audience : «Aujourd'hui nous avons tourné la page et nous avons demandé à tous les hommes politiques de se concentrer et de proposer des solutions pour le bien-être de nos concitoyens.» Mais est-ce que cela signifiera la fin de l'instrumentalisation de l'Islam, dans une campagne électorale où la tendance à vendre son âme pour une pacotille de voix qui permettront à Sarkozy sa réélection s'est manifestée depuis quelques semaines ? En attendant, tous les sondages publiés jusqu'à ce jour laissent, au premier tour, Sarkozy derrière François Hollande et pronostiquent une large victoire du prétendant socialiste au second tour. Mais le président sortant termine, ce soir, par un grandiose meeting dans la région parisienne, une intense semaine marquée par de longs passages à la télé et à la radio et un voyage hier à Nice pour séduire les rapatriés d'Algérie et les harkis. A coup presque sûr, si les tout prochains sondages ne marquent pas une nette amélioration de sa position vis-à-vis de François Hollande, ses chances de rester encore cinq ans à l'Elysée s'amenuiseront grandement à moins d'un mois et demi du premier tour électoral.


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