Montaigne disait au XVIe siècle : «science sans conscience n'est que ruine de l'âme», et voilà qu'au XXIe siècle, deux médecins à Oran ont fait faux bond en coupant de la racine le cordon ombilical d'une parturiente et condamné d'ores et déjà un nouveau-né à s'asseoir durant toute sa vie. Ainsi, la cour d'appel d'Oran a statué, avant-hier, sur le dossier de deux médecins exerçant dans une clinique privée, poursuivis pour erreur médicale sur une parturiente et son nouveau-né. Le verdict a été mis en délibéré pour le 14 février. Les deux mis en cause, une gynécologue et un pédiatre, ont été jugés pour avoir causé la stérilité à la mère et le handicap psychomoteur de son nouveau-né. L'ablation chirurgicale de l'utérus est le chef d'inculpation retenu contre la gynécologue ; le pédiatre, quant à lui, est poursuivi pour avoir établi un diagnostic erroné empêchant l'identification d'un ictère chez le nouveau-né, cette maladie ayant évolué du stade modéré à la forme maligne, causant le handicap psychomoteur du bébé. L'accusation soutient que ces deux situations auraient pu être évitées si une alternative moins risquée avait été adoptée dans le premier cas, et si un diagnostic précis avait été dressé dans le second. Rappelons que les deux mis en cause avaient été relaxés à l'issue de leur jugement par le tribunal correctionnel de première instance. L'Ordre national des médecins, qui se veut le garde-fou des praticiens, n'a fait aucune déclaration dans ce sens. Le docteur Berkani Mohamed Bekkat, président de cette instance, avoue ne pas être au courant de cette affaire. «Du moment que l'affaire est entre les mains de la justice, donc je n'ai rien à dire», a-t-il précisé. La déclaration de notre interlocuteur a de quoi susciter des interrogations. Comment se fait-il, en effet, qu'une affaire aussi grave, remontant à l'année 2005, n'est pas parvenue au conseil de l'Ordre ? Ce qu'il est convenu, aujourd'hui, d'appeler l'affaire d'Oran remet en cause l'existence et l'efficacité d'une telle instance. A moins qu'il n'y ait des non-dits sur cette tragique affaire et dans ce cas, c'est à la justice de réagir.