Le ministère de l'Education nationale a annoncé le 12 août la date de l'ouverture du concours de recrutement de 12 000 enseignants dans les trois cycles. Le ministère a introduit quelques nouveautés et consenti à ouvrir le concours à des parcours et des profils qui auparavant ne pouvaient y postuler tels que les diplômés en psychologie, en sciences commerciales, en gestion… Toutefois, ces annonces sont loin de satisfaire les partenaires sociaux, à l'instar de Salem Sadali, du Syndicat autonome des travailleurs de l'éducation et de la formation (Satef) et Meziane Meriane, du Syndicat national autonome des professeurs de l'enseignement secondaire et technique (Snapest) qui estiment tous deux que le nombre de postes à pourvoir est insuffisant et qu'il est loin de refléter les besoins réels du secteur. Ainsi, selon ces deux leaders syndicaux, une grande partie de ce chiffre qui pourrait paraître important n'est qu'une compensation des départs à la retraite. Pour eux, en étudiant ce chiffre dans le détail, il n'y aurait pas de création de nouveaux postes. «Le ministre doit dégager les besoins réels, fournir des données sur les postes qui ne sont pas assurés. Je tiens à dire que même en absence de statistiques, l'on observe que le besoin est plus conséquent. Pour moi, cette déclaration n'est donc qu'un effet d'annonce qui n'aura aucune incidence sur le terrain», a regretté Sadali qui estime par ailleurs que l'ouverture de 16 postes de tamazight n'est que de la poudre aux yeux et que ces recrutements ne vont pas pallier le manque criant d'enseignants en langues, en sport et en éducation artistique sur tout le territoire en général et le sud en particulier. Pour sa part, Meziane avance que la seule surcharge des classes permet d'évaluer le besoin réel puisqu'une classe de 45 élèves pourrait être allégée s'il était question de créer un nouveau poste d'enseignant. «Chaque année, l'on se rend compte que la surcharge a une incidence négative sur le cursus des élèves qui ont des difficultés car le professeur ne peut être en permanence à leurs côtés. La qualité de l'enseignement est également remise en cause. Toutes ces problématiques pourraient se résoudre si les besoins réels étaient pris en considération», a-t-il recommandé. Revenir aux instituts de formation Interrogés sur ce que pourraient apporter à la pédagogie l'arrivée d'étudiants provenant de différents horizons, de différents profils universitaires, les deux syndicalistes ne semblent pas adhérer à cette idée car, selon eux, seule l'Ecole normale, l'institut de formation des enseignants est à même de répondre aux critères exigés dans le secteur. «Pour moi, cette annonce est un petit plus mais elle ne changera pas la donne sur le terrain car ce n'est pas une approche globale», a jugé Sadali. Dans le même sillage, Meziane Meriane regrette qu'avec cette directive, les recrutements se fassent dans le tas et qu'au final, des personnes qui n'ont pas le niveau requis et qui ne sont pas faites pour le métier s'y retrouve, tout ceci, aux dépens des écoliers. «Je souhaite qu'on revienne à une vraie formation des enseignants car actuellement, seul 10% des enseignants répondent aux critères exigés dans la profession. Aujourd'hui, on recrute à bac + 4 pour le secondaire alors que le niveau exigé est à bac + 5. Il en est de même pour le collège. Le recrutement qui se fait sur dossier est revu à la baisse alors qu'il s'agit du devenir de nos enfants. Il faut revoir la procédure, faire des tests de pédagogie, détecter ceux qui sont aptes à enseigner, transmettre les savoirs car l'on a vu des personnes dépressives enseigner à de jeunes enfants. Etre uniquement détenteur d'un diplôme n'est selon moi pas suffisant car il faut un savoir-faire, de la psychopédagogie. Ainsi, j'impute le fort pourcentage d'échec scolaire à la mauvaise formation des enseignants», a-t-il déclaré. Interrogés sur la crise de vocation qui sévit dans la profession, tous deux s'accordent à dire que le métier a perdu de son aura auprès des jeunes loin des aspirations des étudiants d'antan. Selon le SG du Satef, il serait même devenu un simple gagne-pain, juste une façon de se caser en ces temps de crise économique, une analyse que partage le SG du Snapest qui recommande, au vu de ce contexte, de revoir le niveau exigé pour faire ses preuves dans la profession. «L'enseignement c'est une vocation. Il faut aimer transmettre le savoir, ce n'est pas un métier comme les autres. Je regrette que les pourparlers engageant la réforme ne soient pas allés au fond des problèmes. Je déplore que ce ministère n'ait pas de projet éducatif nouveau. A ce rythme, l'on risque de perpétuer un système qui fait de l'école un instrument de domination et d'endoctrinement de la société au lieu d'être un outil d'épanouissement, et ce, aux dépens de nos enfants», a regretté Sadali.